LERZY

Des origines… à Napoléon ...

Quelques pages d’histoire

 

 

Marcel Maurières

Janvier 2003



Préambule

 

 

 

 

Que l’on ne s’y méprenne pas.

Les pages qui suivent ne constituent pas - et ne peuvent pas - constituer une monographie de Lerzy. Certes, vers 1960, lorsque j’entrepris mes recherches sur le passé de cette petite commune, c’était bien la rédaction d’une telle monographie que j’envisageais.

J’avais sous-estimé la richesse des sources qui s’offraient à moi (archives locales, départementales, nationales, ouvrages et articles concernant la région), sous-estimé également le temps nécessaire à leur étude et à leur exploitation… et, pourquoi ne pas le dire, sur-estimé aussi mes possibilités.

Mon départ , survenu plus tôt que prévu, pour mes nouvelles fonctions en Normandie, mit un terme à mes recherches.

Je ne vous cache pas que c’est avec beaucoup d’émotion que, plus de quarante ans après, j’ai retrouvé la plupart des notes que j’avais alors recueillies et tenté de les mettre en ordre : c’est le résultat de ce travail que vous avez en main.

Je souhaite qu’il puisse vous intéresser en vous faisant connaître quelques aspects, souvent tragiques, du passé de votre village… et que, peut-être, il donne à quelques-uns de ses habitants (étudiant ou pas, retraité ou pas) l’envie de poursuivre des recherches que je n’ai qu’entreprises.

Il reste tant à faire, et ne serait-ce qu’au plan local où, je l’espère, subsistent encore deux documents particulièrement importants, deux véritables trésors : les registres paroissiaux et le « Terrier » de 1737 ; les ayant à proximité, je n’ai fait que les survoler, réservant leur étude à plus tard (un « plus tard » qui n’a jamais eu lieu !).

Je tiens à remercier tous ceux qui m’aidèrent : ceux des habitants intéressés par mon initiative et grâce auxquels je pus, entre autres, organiser une exposition dans les locaux de la mairie ; la société archéologique de Vervins et de la Thiérache, qui m’ouvrit largement les portes de sa très riche bibliothèque ; Monsieur Dumas, alors directeur des Services d’Archives de l’Aisne, qui me fit bénéficier de sa gentillesse, de son dévouement et de sa compétence.

Ce modeste travail, et ce sera ma conclusion, se veut aussi un témoignage de reconnaissance. Reconnaissance à un village qui nous avait accueillis, ma famille et moi, en 1956 ; à un village où, après avoir surmonté (grâce à l’aide des municipalités de Messieurs Lambret et Geldhof) les premières difficultés concernant essentiellement les problèmes matériels liés à l’école et au logement, nous nous sommes sentis très à l’aise, presque chez nous, nouant avec la plupart de ses habitants des relations empreintes d’une confiance et d’une estime réciproques, dont certaines perdurent quarante ans après ; à un village que nous avons aimé et que nous continuons à aimer et auquel nous souhaitons de tout cœur de se développer et de prospérer.

 

 

 

Marcel Maurières

Ancien instituteur de Lerzy (1958 - 1966)



Sommaire

Préambule.. 3

Sommaire.. 5

Inhospitalière Thiérache.. 6

Transformation du nom de notre village à travers les siècles.. 7

D’où vient le nom de Lerzy ?. 8

Quelques lieux-dits.. 9

« Lerzy » ou « Fontaine Royale » ?. 10

Evolution de la population.. 11

La voie romaine Reims – Bavai passait-elle par Lerzy ?. 13

Quelques dates jalonnant notre histoire.. 14

Avant et pendant l’occupation romaine. 14

En 892, 14

XIIème, XIIIème et XIVème siècles. 15

XVème siècle. 15

XVIème siècle. 16

XVIIème siècle. 17

XVIIIème siècle. 21

La Révolution et l’Empire. 24

Décès au 18ème siècle. 28

ANNEXES.. 29

Le martyre d’une région.. 30

Les seigneurs de Lerzy. 31

Les possessions seigneuriales en 1795. 34

L’abbaye d’Origny Sainte-Benoîte.. 35

Quelques droits féodaux.. 37

Un impôt haï entre tous : la gabelle.. 40

Embuscade au Bois de la Dame…... 42

… et au Bouhoury. 43

Perquisitions…... 43

Querelle au XVIIème siècle.. 46

A propos du jeu de l’assiette.. 48

1806 - Un droit de péage sur les ponts de Lerzy. 49

Quelques notes…éparses.. 54

 


 Inhospitalière Thiérache

Ainsi que nous l’indiquons par ailleurs, nous n’avons pu retrouver le cahier de doléances (1789) de Lerzy.

Par contre, nous avons pu relever dans celui de la commune voisine d’Etréaupont quelques passages intéressants concernant notre région :

 

« … Une portion de la partie septentrionale de la Sibérie, si on en exemptait la probité, les mœurs et la population, formerait un vrai tableau de la Thiérache. Le sol est absolument ingrat, d’un petit rapport, d’une culture très difficile et très dispendieuse, et toute l’industrie de ses habitants peut à peine produire pour la subsistance du quart des êtres qu’elle contient. La culture ne peut s’y maintenir que par les engrais forcés que les habitants s’efforcent ou plutôt s’épuisent de couvrir leurs propriétés, et point d’engrais point de grains, conséquemment perte de cette malheureuse province… »

 

« … La Thiérache est d’une culture très difficile et à ne point être comparée aux autres parties de la France. Absolument caillouteuse, elle fraye (elle coûte – MM) considérablement en maréchal, bourlier et charron… »

 

Et le cahier poursuit :

 

« …Les habitants portent le nom de français, mais ne jouissent en aucune manière de la liberté française… »

 

 

 

 

Le cahier de doléance d’Etréaupont a été publié dans un ouvrage de Edouard Fleury, paru en 1872 : « Baillage du Vermandois – Elections aux Etats Généraux de 1789… »

Les passages cités ci-dessus sont extraits de cet ouvrage (pages 207 – 208 – 209)


Transformation du nom de notre village à travers les siècles

 

 

 

 

 

 

 

 

1123

Lehersiacum

 

1169

Lehersis

d’après le cartulaire de l’abbaye de Saint-Michel (pages 20 et 24)

1183

Lehersies

d’après collection de D. Grenier

1253

Lersies ville

 

1260

Lehersies

d’après le cartulaire de l’abbaye Saint-Michel (pages 155 et 323)

1337

Lerzies

Archives Nationales 4. 992

1340

Lersis

Bibliothèque Nationale, fonds particulier n° 9228

1568

Leresis

Acquits – Archives Laon

1612

Lerzi

D’après le « Terrier » de Sorbais

1710

Lerzy

Intendance Soissons

1780

Lerzys

D’après Chambre du Clergé du diocèse de Laon

 

 

 

 

 

 

 

 

D’après les travaux de M. Matton

 


D’où vient le nom de Lerzy ?

A notre connaissance, deux hypothèses ont été avancées jusqu’ici.

Nous devons la première à Eugène Mennesson(1) . D’après cet auteur,

 

« … en basse latinité, hercia, hersia désignait (…) la herse, et hersis, la corvée qui consistait à herser les terres du seigneur… »

La seconde, fort différente, nous la trouvons dans un excellent ouvrage de M.T. Morlet(2) :

 

« Lerzy : Leuthariciacus, formé sur un nom d’homme germanique Leuthar, d’une forme originaire Leudocharius… »

« … Kaspers explique par un Lethericiacum le toponyme Montlery – Mons Lethorici (près de Paris)… »

Lerzy aurait donc été primitivement le domaine et la ferme du Franc Leuthar (entre le V° et le IX° siècle après Jésus-Christ).

L’hypothèse de M.T. Morlet(3)  semble confirmée par tout ce que nous savons de l’histoire de notre pays, notamment dans la période qui suivit la décadence romaine et les invasions barbares :

 

« … A la mort de Clovis (511)… le nord de la Gaule était encore couvert de forêts dont les Romains n’avaient défriché que quelques portions, se bornant à les trouer de leurs voies militaires : le Soissonnais, la Thiérache présentaient des bois immenses appelés breuils, hayes (…). De nombreuses villas mérovingiennes étaient bâties dans les clairières de ces forêts, et entourées de quelques cultures… » (13

C’était le cas en particulier de la célèbre villa de Braine, séjour favori de Clotaire 1er, et où ce dernier avait entassé et caché son trésor.

Il est donc fort plausible que, au cours de cette période très troublée, un Franc ait installé sa villa en ce lieu, auquel il devait donner son nom.

Faut-il abandonner en conséquence l’hypothèse de M. Mennesson ?

Nous nous garderons bien de prendre personnellement position, laissant à de plus érudits et plus expérimentés que nous le soin de trancher… dans la mesure où cela est possible.

Notre seul but était de poser le problème : voilà qui est fait.

 

 

 

 

 

 

 

(1)   Eugène Mennesson : « Recherches étymologiques sur les noms des lieux de l’arrondissement de Vervins ». Voir revue « La Thiérache » (tome 3 page 351).

(2)   M.T. Morlet : « Toponymie de la Thiérache » (page 36)

(3)   J. Lançon et L. Narcisse : « Histoire du département de l’Aisne » (pages 221)


Quelques lieux-dits

 

Le Gloart

Serait à l’origine une « … flaque d’eau d’une certaine étendue… » (revue de la Thiérache » - Tome 10 – page 149)

Le Bermont

« … Au 13ème siècle, Aubemont, Alemont. Le peuplier blanc se disait en roman aube, abe (du latin alba papulus) ; il est à croire, par conséquent, que ce hameau doit son nom à une hauteur couronnée de peupliers blancs… » (M . Menneson : « Recherches étymologiques sur les noms et les lieux de l’arrondissement de Vervins. »)

Rue de Jeantes

« … Jante au 12ème siècle – Jeante au 17ème siècle seulement. En bas latin jantar – dérivé du latin jantaculum, déjeuner – le gîte et la pâture, tout ce qu’il faut enfin pour une réception confortable (…) Jeantes était donc à l’origine une villa… » (M. Mennesson – ouvrage cité).

Rue des Juifs

« … Au moyen-âge, les malheureux israélites n’étaient tolérés dans les villes qu’à la condition expresse de se cantonner dans un quartier à part : notre hameau prouve que la chose se passait à la campagne comme à la ville… » (M. Mennesson, à propos d’Etréaupont, où existe une rue du même nom – Revue « La Thiérache (1873 – 1874) page 141)

Le Bouhoury

« …Le Bouhoury, du nom bouherie, ferme ou étable à bœufs, en bas latin bovaria, bouaria, du latin bourius… » (M. Mennesson)

En 1337, l’abbaye de N.D de Boheries (créée en 1141) possédait un champ à Lerzy ; dans une carte éditée en 1702 à Bruxelles, comme dans les plans de Lerzy datant de la première moitié du 18ème siècle, on retrouve cette orthographe « Les Boheries »… Le Bouhoury vient-il donc de la modification, à travers les siècles, de nom de l’abbaye ? (Revue « La Thiérache » 1872 – page 114)

 

Outre ces quelques lieux-dits, et les tentatives - toujours contestables - d’expliquer l’origine de leur nom, nous avons relevé dans les documents consultés, beaucoup d’autres noms dont certains ne semblent pas avoir subsisté.


 

En voici la liste :

 

Le pré Argolon (ou Hargolan)

Le Courtil de la Grande Cense

Le Chemin de la Reppe (ou chemin d’Etréaupont)

Le Petit Aumont

Le Courtil Feree Hon

La Pointe à Chemise

Le Grand Aumont

Le Cullot Pierre Train

Le Pomelotier

Le Blanvin

Le Chemin d’Eptron

La Piescente de Bellevue

Le Bocquet du Noël

Le Fond du Rieux

Le Plouïs

Le Bois Josseux Appartenant à l’abbaye d’Origny Sainte-Benoîte

La Fosse aux Loups

Le Presson, ou les Fremions

Le Bois d’Autremont Appartenant à l’abbaye d’Origny Sainte-Benoîte

Le Fourensart

Le Pré de la Planquette

Le Bois de la Foué Appartenant à l’abbaye d’Origny Sainte-Benoîte

Le Fond des Patins

 

Le Bois de là-Haut Appartenant à l’abbaye d’Origny Sainte-Benoîte

Le Hameau, auprès des haies de Froidestrées

La Saintelette

La Borne

Les Heriés des Longs Champs

 

La Cavée Margot

Le Jansart

La Terrière (lieu des Fourches Patibulaires, où devaient être enterrés les corps des condamnés)

La Ruelle Chante le Coq

Le Jourdenfosse

 

Les Corbions

Le Chemin de Messe

Le Chemin des Tharons

Le Courtil aux Ponts (Courtil désignait en général un jardin)

La Place Mynette

Les Warnelles

 

La comparaison avec les premières cartes d’Etat-Major pourrait s’avérer très instructive pour la situation exacte de ces divers lieux-dits, dont la liste n’est certainement pas exhaustive… mais dont sans doute un certain nombre ont perdu leur nom d’origine.

 

« Lerzy » ou « Fontaine Royale » ?

Sur certains plans cadastraux, le ruisseau « Le Lerzy » est appelé ruisseau « Fontaine Royale ».

 

Il semblerait, si l’on en croit M. Mennesson dans son « Histoire de la Capelle » (page 113), qu’il s’agisse bien du nom original.

 

 « … Au nord de l’église (de La Capelle – MM), au fond d’un ravin qui borde la route, sort de terre une source abondante dite Fontaine Royale ; elle fournissait autrefois ses eaux au fossé de la forteresse ; aujourd’hui, elle se répand dans la direction de Lerzy, traverse ce village et va se jeter dans l’Oise .  Cette source appartenait au roi, comme son nom l’indique… »


Evolution de la population

 

En étudiant les résultats du recensement

           a)  Recensement 1962 :

A partir du recensement de 1962 (j’étais « agent recenseur »), j’avais écrit dans « Le Démocrate de l’Aisne » (5 mai 1962) l’article suivant

           b)  « Un habitant sur trois à moins de vingt ans ! »

Au lendemain du recensement de la population il nous a paru intéressant d’établir ce que les statisticiens appellent : « la pyramide des âges » c’est à dire de classer par âge les habitants de notre commune.

Nous avons obtenu ainsi le tableau suivant :

 

L’étude de ce tableau permet de tirer quelques conclusions intéressantes, et plus particulièrement celle que la population de Lerzy est relativement jeune,

q       60 % de ses habitants ont en effet un âge inférieur à 40 ans

Notons en passant que lors du recensement de 1851 ce pourcentage était le même.

Cette constatation est d’autant plus valable si l’on se borne aux moins de vingt ans

q       Ceux-ci au nombre de 108 représentent plus de 35 % de la population contre 31 % en 1851

q       Un habitant sur 3 a donc moins de vingt ans !

Voilà qui doit nous inciter à redoubler d’efforts pour rendre notre village de plus en plus accueillant, si nous voulons que les jeunes n’émigrent pas trop nombreux vers d’autres villes.

 

 


La voie romaine Reims – Bavai passait-elle par Lerzy ?

Une voie romaine a-t-elle pu emprunter, il y a environ 2000 ans, le territoire de notre commune ?

Il semble qu’on puisse désormais répondre affirmativement à cette question. Même s’il semble difficile d’en apporter un jour la preuve formelle.

Depuis quelques années, des témoignages avaient attiré notre attention. Ils nous apprenaient que, au cours de la guerre 1914 – 1918, un officier allemand aurait fait procéder à des fouilles au lieu-dit « Le Bois Là Haut », aux alentours de la ferme Froment (exploitée alors par la famille Loridan)… Des objets furent trouvés…

Mais quels objets et où sont-ils ? Quels renseignements avaient amené cet officier allemand à entreprendre des fouilles à cet endroit précis ? Nous l’ignorons.

Mais la réponse que les recherches sur le terrain n’ont pu nous apporter nous a été fournie par des textes concordants.

Laissons d’abord la parole à M. Mennesson(1)

« … Tout voyageur qui vient sur Vervins peut remarquer que la route actuelle décrit une courbe à la sortie de Froidestrez ; cette courbe était bien plus prononcée en ces temps là, puisque la chaussée passait par Lerzy… »

Simple hypothèse ? Sans doute pas. Elle est en effet confirmée par le docteur Mairesse (de La Capelle). Dans un manuscrit inédit qu’a bien voulu nous confier sa veuve, voici ce que nous lisons :

« …De La Capelle à Vervins, la voie romaine n’existe plus que par petits tronçons (…) Elle traverserait une région accidentée. Il est probable que, passant à La Capelle près de la Fontaine Royale, source de Lerzy, elle descendait vers la rue de La Fontaine(car on n’a jamais trouvé sa trace dans la partie de la grande route qui traverse La Capelle actuellement), suivait un moment le cours du Lerzy pour remonter sur le hameau de Bellevue ; là, elle suivait la route nationale jusqu’à la maison de M. Mahiet, le maire actuel de Froidestrées… »

Mais revenons une nouvelle fois à M. Mennesson(2) :

« … Vers 1769, écrit-il, on entreprend au moyen de corvées locales la grande route de Paris à Maubeuge qui changera totalement la face du pays. Destinée à remplacer la vieille voie romaine, que suivaient jusque là les coches qui se rendaient à Bruxelles, la route ne passe plus comme l’ancienne, elle se rapproche de la ligne droite et traverse par le milieu, les ruines du fort de La Capelle. Dés lors, la cité tend à changer d’emplacement. Le groupe d’habitations, qui s’étendait dans la direction de Lerzy disparaît sensiblement, tandis que les constructions se multiplient de chaque côté de la nouvelle route… »

La cause paraît donc – et définitivement – entendue : la grande voie romaine Reims – Bavai faisait bien – entre Froidestrées et La Capelle – une brève incursion sur le territoire de notre commune. Et la ferme Froment était peut-être un poste romain sur cette voie, au sommet de l’angle dessiné par les deux branches de la voie, l’une allant vers Froidestrées et l’autre (en longeant le ruisseau) vers La Capelle

 

 

 

(1)    M. Mennesson : « Histoire de La Capelle » (page 4 – note 2)

(2)    M. Mennesson : « Histoire de La Capelle » (pages 77 - 78)


Quelques dates jalonnant notre histoire

 

En préambule à ce survol (car il ne s’agit évidemment que d’un survol), il aurait été souhaitable et même nécessaire, de préciser la situation géographique de Lerzy… à proximité immédiate de La Capelle, Buironfosse, Etréaupont, Sorbais.

Ne serait-ce que pour rappeler que tous les événements et tous les drames vécus par ces localités l’ont été également par la région, et donc par notre paroisse. Quand La Capelle est pillée et brûlée, il va de soi que Lerzy est aussi victime du pillage ; quand la famine règne ou la peste se développe, c’est toute la région qui en souffre.

Et, sur cette terre de passage pour des armées ou des bandes ennemies, sur cette terre qui, jusqu’au XXème siècle, a été le théâtre de combats sanglants… nombreuses furent les périodes de famine, de misère, de ruines.

Les pages qui suivent s’efforcent d’en évoquer certaines, mais d’une manière non exhaustive, les sources étant rares et parfois contradictoires ou peu fiables.

 

Avant et pendant l’occupation romaine

 

La Capelle et ses environs formaient l’extrémité septentrionale du territoire occupé par une peuplade, les Rhèmes, qui –avec d’autres peuplades voisines – composait, sous le nom de Belgique, une des trois grandes divisions de la Gaule. Combattirent-ils l’occupation romaine à l’appel de Vercingétorix et furent-ils écrasés ? Plusieurs auteurs l’affirment.

Quoi qu’il en soit, après les victoires de Jules César (Alésia : 52 avant J.C), ce fut l’occupation romaine et, semble-t-il, la paix revenue.

Aucune information concernant Lerzy sinon, peut-être, les vestiges de l’ancienne voie romaine Reims – Bavay (voir l’article consacré à ce problème).

 

En 892,

Notre région est envahie par les Normands, qui brûlent La Capelle et pillent tout sur leur passage.

Se succèderont ensuite les flots des invasions « barbares » jusqu’au succès et couronnement de Clovis.


XIIème, XIIIème et XIVème siècles

Ø      Début du XIIème siècle       

Construction de l’église de Lerzy. Selon l’historien Melleville, Lerzy aurait alors appartenu à l’Abbaye de Clairfontaine ; mais je n’ai pas connaissance de l’existence d’un document confirmant cette assertion.

Ø      1186

La Thiérache est dévastée au cours de la guerre entre le comte de Flandre et Philippe Auguste.

Ø      1302

La région est de nouveau mise à feu et à sang par les Flamands tyrannisés par Philippe le Bel.

Ø      1339

Voilà la guerre de 100 ans.

Après avoir ravagé le Vermandois et la Thiérache (brûlant Laon, Guise, Origny-Sainte-Benoîte, Marle…), le roi d’Angleterre campe à la Flamengrie avec 44 000 hommes et pille tout le pays.

Philippe le Bel, à la tête de 100 000 soldats, occupe alors Buironfosse. Les deux armées se font face… mais il n’y aura pas de combat (épisode connu sous le nom de « Journée du Lièvre »)

Ø      vers 1358

Début des travaux de fortification des églises.

 

D’après Froissart, le célèbre chroniqueur de cette époque voilà comment cet épisode se serait déroulé.

Edouard, le Roi d’Angleterre, envoya un hérault à Philippe Le Bel afin de convenir du jour de la bataille : elle fut fixée au surlendeman vendred.

Superstitieux, le Roi de France estime que c’est un mauvais jour et n’attaque pas son adversaire, retranché derrière un marais. C’est alors, écrit Froissart  qu’  « un lièvre, pâssant parmy les champs,se bouta entre les françai ; lors commencèrent ceux qui le verrent à crier et à faire grande nuise, pourquoi ceux qui estoient derrière cuidoient (crurent) que ceux de devant se combattissent… »

Il en résultat un tel désordre que Philippe Le Bel n’osa pas engager l’action …et que Edouard repassa la frontière et se retira à Bruxelle.

 

XVème siècle

De nouveau, les guerres avec leur cortège de tueries, de pillages et de misère.

 

Ø      1412

Guerre entre « Armagnacs » et « Bourguignons »

En mai, Thomas de Hersis (lisez : Thomas de Lerzy, qui devint par la suite grand baillis du Vermandois) participe à la prise de Vervins par les « Armagnacs »..

Ø      1414

Charles VI traverse La Capelle pour arracher la Picardie aux « Bourguignons ». Ceux-ci reprennent l’offensive en brûlant et rasant tous les châteaux.

Ø      1423

Le château de Buironfosse est rasé par Jean de Luxembourg, capitaine « bourguignons » (qui deviendra seigneur de Vervins et de Guise). Il n’en reste plus, semble-t-il, aucun trace.

 

 

XVIème siècle

Ø      1521    

Après avoir été obligé de lever le siège de Mézières, défendue par Bayard, le comte de Nassau met à sac Aubenton, brûle Etréaupont et ravage toute la vallée de l’Oise.

Ø      1543

François 1er transforme La Capelle en forteresse.

Ø      1553

800 villages de Thiérache sont brûlés sur ordre de la reine de Hongrie.

Ø      1557

Sous la conduite du duc de Savoie, l’armée de Charles-Quint pille et brûle La Capelle, puis Vervins, et se dirige vers Guise.

Ø      1578

Invasion de la Thiérache par Jean d’Autriche et les Espagnols.

Ø      1590

Aux guerres contre les puissance étrangères, ont succédé les guerres de religion.

« Vervins attaqué par le duc de Mayenne capitule le 2 février 1590…Origny, Martigny et les villages voisins sont occupés par les ligueurs qui sont toutefois battus dans un combat livré à Mondrepuis (…) les troupes royales, sous le commandement du comte de Saint-Pol parcourent la Tiérache en tous sens, disputant le terrain pied à pied au ligueur… »

(« Histoire d’Origny en Thiérache »

 E.Michaux – p 143)

N.B : A Mondrepuis, existe un lieu dit « La Tuerie » en mémoire du massacre qui y eut lieu.

 

Une nouvelle fois, la population de la région souffre le martyre.

« …le petit peuple a été cruellement foulé pendant les guerres de religion. Il esy difficile d’imaginer les souffrances des habitants de la Thiérache à cette époque. On élevait les chaumières au bord des bois pour échapper plus sûrement aux incursions de l’ennemi lorsqu’il était signalé , les pauvres familles quittaient leurs demeures et allaient se cacher dans les endroits les plus épais de la forêt, ou dans les fourrés les plus inaccessibles… »

(«  Le Protestantismeen Thiérache depuis les origines jusqu’à la Révolution.

Pasteur Beuzary p 50”)

 

Ø      1594

Après quatorze  jours de siège, la forteresse de La Capelle doit capituler devant les espagnols (qui alignaient 9000 hommes de pied, 1000 chevaux et 12 canons.

Henry IV tenta en vain à plusieurs reprises de reprendre la forteresse, restée en possession des Espagnols jusqu’en 1598.

Ø      1598

Signature  le 2 mai de la « Paix de Vervins » , c’est la fin de cette tragique guerre, mais non celle des souffrances du malheureux peuple de Thiérache.

 

 

 

XVIIème siècle

 

« … A partir de 1631, les malheurs sans nombre allaient fondre sur notre pays (…). La guerre civile et la guerre étrangère et à leur suite le pillage, l’incendie, le viol, le rapt, la famine et la peste devaient y apporter la ruine et y maintenir la misère la plus profonde pendant 25 ans (…). La situation topographique du pays fut la cause de son malheur. Le diocèse de Laon était limitrophe de la Flandre. Aux places espagnoles de Cambrai, de Cateau-Cambrésis, de Landrecies, Avesnes Chimay, faisaient face les places françaises de Saint-Quentin, Ribemont, Origny Sainte-Benoîte, Guise, La Capelle, Hirson et Aubenton. L’ennemi voulait avoir celles-ci qui lui ouvraient la France. Richelieu convoitait les premières qui lui donnaient la Flandre. C’est donc sur ce théâtre assez étroit que les efforts se concentrèrent… »

(E. Michaux « Histoire d’Origny en Thiérache »

 page 177)

Notre région était donc une nouvelle fois :

« …un lieu de passage pour les troupes qui commettaient dégâts, dévastations et pillages. Il n’y avait d’autre choix, disent les mémoires du temps que « d’être mordu par le chien de France ou étranglé par la chienne d’Espagne. ». Le pays, placé entre l’enclume et le marteau, n’avait d’autre sort que de recevoir les coups. Les habitants, à la merci de troupes indisciplinées et vagabondes, ne se couchaient pas le soir avec la certitude de pouvoir subsister le lendemain. »

(Pasteur Beuzart Ouvrage déjà cité)


 

Ø      1631

Marie de Médicis, en résidence surveillée à Compiègne à l’initiative de Richelieu, réussit à s’enfuir dans la nuit du 18 juillet. Son objectif ? Se réfugier à La Capelle, où devait l’accueillir le fils du gouverneur. Mais ce dernier, revenu plus tôt que prévu, déjoue la manœuvre et chasse son fils. Apprenant le 19 juillet à Sains-Richaumont l’échec de sa tentative, la reine-mère décide d’aller demander asile à une demi-lieue de La Capelle, de là à Bellevue (dépendance de La Flamengrie) et va se coucher à Etroeungt

Nul doute donc que la reine-mère n’ait, au cours de son équipée (qui n’aboutira pas) traversé notre petit village de Lerzy.

Ø      1635

Vers la fin de l’année, la peste ravage Hirson, La Capelle et Guise, faisant de très nombreuses victimes.

Ø      1636    Le 27 février.

Les garnisons espagnoles de Landrecies, d’Avesnes et de Maubeuge avaient envoyé de concert quatre cents cavaliers et mille fantassins ravager les terres de Thiérache. Ce détachement venait de piller Sorbais et emmenait, tambour battant, 800 moutons, 250 vaches, 35 chevaux et 25 habitants, lorsque 40 carabins, envoyés en reconnaissance par le fort de  La Capelle, aperçurent les pillards traversant Lerzy en bon ordre. Une colonne (146 fantassins, 30 carabins, 200 habitants) s’organise, et tend une embuscade à Bellevue, les Espagnols sont surpris au moment où ils défilaient entre la forêt du Nouvion et les haies de Bellevue. Ils laisseront 200 tués et devront abandonner le butin.

(d’après Mennesson page 41 de son « Histoire de La Capelle)

Ø      1636

Après un siège de 7 jours, les Espagnols s’emparent une nouvelle fois de La Capelle, puis de Vervins. La contrée est ravagée par les deux armées (espagnole et française).

 

 « … Les maladies pestilentielles et la guerre civile viennent s’ajouter aux horreurs de la guerre étrangère (…). Les blés, si on avait pu les semer, ne pouvaient être récoltés, ils étaient coupés en vert ou pourrissaient (…). La plupart du temps, on ne trouvait dans la campagne ni terres labourées, ni terres ensemencées, mais on y rencontrait à chaque instant des squelettes et des cadavres restés sans sépulture ; les chiens s’étaient formés en troupes et retirés dans le bois, la faim les avait rendus féroces et ils se jetaient sur les passants qui n’avaient pas d’armes pour se défendre… »

(d’après la revue « La Thiérache » - 1949 – page 16)

C’est au cours de cette même année que débuta la construction d’un donjon à l’église de Lerzy, tendant à faire de cette dernière une église fortifiée.

Ø      1637   

La Capelle est reprise par les Français mais, comme il était malheureusement à prévoir,

 

« … les parties ennemis continuèrent à rançonner, piller et incendier les villages de la frontière, et beaucoup d’habitants, pour sauver au moins leur vie, durent se réfugier dans les villes de l’intérieur… »

(M. Mennesson)


 

Ø      1638

Témoignage sur ce qui précède : dans un acte notarié du 15 juin (rédigé à Vervins), un marchand, Nicolas Mauvoisin, déclare qu’il a dû quitter Lerzy

 

« … totalement bruslé et pillé par l’ennemy… »

et se réfugier à Vervins

« … où il est depuis deux mois… »

(Cité dans la revue « La Thiérache » T15 – page 18)

Et les exemples de la même situation sont nombreux.

Ø      Ainsi, le 24 juin

les religieux de l’abbaye de Thenailles signalent que :

 

« … la plupart des laboureurs dud Thenailles sont mortz, les maisons habandonnés et le village totallement ruyné… »

 

Ø      Ainsi, le 23 juin

les doléances de Thomas Le Jeune, laboureur à Autreppes : pendant plusieurs mois, plusieurs régiments ont séjourné dans le village, dont les habitants ont été contraints de les « … nourrir à discrétion… », ce qui n’a pas empêché les soldats de partir en emportant une partie du bétail, et en emmenant même un prisonnier qui ne fut libéré qu’après 3 semaines et en contre-partie d’une rançon (dont le montant n’est pas précisé).

 

Ø      En 1648

une enquête estime que :

 

 « … les 2/3 des peuples qui étaient dans l’étendue de ladite élection de Laon sont morts et péris par la misère et la calamité… »

Ø      1650

Le 29 juin, 10 escadrons de cavalerie (700 chevaux chargés de pain et de munitions), et 300 mousquetaires passent la rivière à Sorbais pour aller ravitailler les Espagnols qui font le siège de Guise. Prévenue par un guetteur l’armée française attaque  et met l’ennemi en déroute (150 tués, autant de prisonniers). Les Espagnols abandonnent leur charge (munitions, nourriture…) et, non ravitaillés, leurs compatriotes devront abandonner le siège de Guise (le 2 juillet).

Furieux de leur échec, ils pillent et brûlent Etréaupont, Sorbais, Luzoir… et investissent La Capelle. Ils sont sous la direction de l’archiduc Léopold Guillaume, auquel s’est rallié Turenne

Selon M Mennesson dans son « Histoire de La Capelle ».

 

« … l’archiduc se logea à Lerzy, au quartier de Fuensaldane, pour suivre en personne les opération du siège… »

Turenne également logea à Lerzy pendant le siège (du 17 juillet au 3 août) qui, contrairement à celui de  Guise, se termina par la victoire des assaillants.

Ø      1685

Révocation de l’Edit de Nantes.

Selon M Mennesson (« Histoire de La Capelle » page 138), les protestants expulsés

                                                                                                    

« … eurent le temps de vendre leurs meubles, mais leurs fourrages furent, par ordre du roy, abandonnés aux dragons envoyés à La Capelle… »

On a retrouvé  un état de confiscation concernant la famille Pain et Vin, sans doute originaire de Lerzy. Cette famille était composée, selon l’état daté du 18 juin 1687 de Abraham (laboureur) Isaac (marchand de chevaux), Pierre (également marchand de chevaux), de leurs épouses et de la fille d’Abraham, Judith (14 ans).


XVIIIème siècle

Au cours de ce siècle, misère et famines vont se poursuivre d’une manière quasi-ininterrompue. Une nouvelle fois, sont en cause les guerres qui continuent à ravager la région.

A Lerzy, les registres paroissiaux révèlent une moyenne de 10 décès par an. Or, on en enregistre :

14 en 1706,

15 en 1707,

31 en 1708,

20 encore en 1710.

Quelques années plus tard, on en retrouve

14 en 1724,

27 en 1725,

17 en 1726,

14 en 1727,

22 en 1728,

15 en 1729.

Nouvelle recrudescence en

1733 (17 décès),

1739 (17)

1740 (16)

1741 (27)

1742 (14)

et puis en1756 (26)

en 1757 (20),

en 1758 (32),

en 1759 (32),

en 1760 (19),

en 1761 (27)…

et de nouveau pendant la période 1763 – 1775 (avec un maximum de 38 en 1768)…

Parmi ces décès, nombreux sont ceux des enfants.

A propos de enfants, la découverte que je fis de la présence à Lerzy d’assez nombreux de ces derniers, originaires de l’Hôpital des Enfants Trouvés de Paris, et placés dans diverses familles (et notamment chez Monsieur et Madame Carpentier, Monsieur et Madame Marquandier, Monsieur et Madame Leroux).


Monsieur Dumas (le directeur des Services d’Archives de l’Aisne), que j’avais consulté sur ce problème, me répondit avec sa gentillesse et sa compétence coutumière, par une lettre du 16 mai 1962, dont je reproduis ci-dessous quelques extraits.

« … Le gouvernement d’alors, afin d’encourager (…) les particuliers à se charger des enfants trouvés, exempta de la milice (service militaire obligatoire créé en 1688 du temps de Louvois) les célibataires parents des chefs de famille qui les prendraient. Il permit que les enfants trouvés puissent à l’âge de seize ans, tirer au sort aux lieu et place des enfants, frères et neveux de leurs maîtres. Cette politique n’était pas dictée seulement par l’intérêt des pupilles : elle se rattachait à la préoccupation alors dominante de favoriser l’agriculture et de repeupler les campagnes désertées… »

Explication certes plausible… mais ne peut-on pas penser également que pour certains, il s’agissait déjà d’exploiter les possibilités offertes par ces enfants, sans défense, comme en furent victimes – bien des années plus tard – pas mal de ceux placés par l’Assistance Publique ?

Ø      1710

Un procès-verbal en date du 14 mai constate que en 1709, à cause de la grande disette de vivres, des grands dégâts eurent lieu dans les bois de Lerzy appartenant à l’abbaye d’Origny Sainte-Benoîte par plusieurs jeunes gens attroupés à La Capelle et même par des compagnies de soldats qui passaient au-dit La Capelle (Archives forestières de l’Inspection Laon).

Un procès-verbal analogue du 29 juin 1746 signale de nouveaux dégâts, considérables, causés dans les bois de la réserve du roi, dit Bois Josseaux (appartenant également à l’abbaye d’Origny) et causés par des cavaliers et domestiques du régiment de Barbançon, en garnison à La Capelle.

Ø      La fin du siècle est marquée, par de nouveaux malheurs, d’origine météorologique cette fois :

o      Hiver 1779 – 1780 désastreux. Un monographie consacrée à Sorbais signale la destruction de presque tous les arbres fruitiers.

o      Orage de grêle en mai 1781

o      Orages ravageant les campagnes en 1782

o      Nouveaux orages de grêle en mai et août 1783

o      Sécheresse en 1788 (« … pas une goutte de pluie du 1er mars au 16 mai… »)

o      Orage de grêle le 13 juillet 1788

o      Nouvel hiver désastreux de 1788 – 1789 (il débute en septembre ; en novembre : des malheureux sont tués par le froid sur les routes ; en décembre, les rivières sont gelées :

 « … dans des maisons mal défendues contre la rigueur excessive du temps, des familles pauvres périrent dans leur lit… » ; « … pendant toute la fin de décembre et la première moitié de janvier, il n’y eut jamais (en fait il y eut toujours –MM) moins de 17° au dessous de zéro… » ;

o      Fin mars 1789, la campagne est sous la neige…

Conséquences de ces catastrophes

o       La hausse de la mortalité (27 morts à Lerzy en 1790)

o       La famine chez les plus pauvres :

« … on distribue des mélanges ainsi faits : pois chiches, maïs, avoine et sarrasin, graines de choux, de navets, de chènevis. On écrasait cet horrible mélange dans des moulins à café ou dans des mortiers à pilon. Il en résultait une espèce de galette noire peu appétissante à l’extérieur, dégoûtante à l’intérieur, tant elle était mal mêlée, rugueuse, visqueuse, collant au couteau et aux doigts, indigeste et nauséabonde… »

D’où de nouvelles épidémies, dont la dysenterie : en juillet, certains travaux ne pourront être accomplis faute de main-d’œuvre, malade.

o       Des hausses importantes dans le prix du blé. Au marché de Vervins, le jallois (environ 45 litres) passe de 6 livres 6 sols en janvier 1788 à 9 livres 8 sols en janvier 1789, à 11 livres 8 sols en mars 1789, et 18 livres le 4 juillet…

o       A La Capelle, le blé valut un jour 25 livres le jallois.

D’où : pénurie sur les marchés ; colère contre les petits commerçants en grains (les « blatiers ») dont certains furent attaqués ; pillage de fermes accusées, à tort ou à raison, d’avoir stocké des grains ; accroissement de la famine.

Une ambiance pré-révolutionnaire ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce chapitre, comme celui qui suit, a été rédigé d’après l’ouvrage de Edouard Fleury : « Famines, misère et séditions – Episodes de l’histoire révolutionnaire de la Thiérache en 1789 »


La Révolution et l’Empire

Je n’ai pu – comme je l’aurais souhaité – entreprendre des recherches approfondies sur cette période. Il semble toutefois que les événements révolutionnaires aient suscité chez les habitants – du moins au début – un certain espoir : peut-être simplement celui de mettre un terme à la misère qui les frappe depuis si longtemps.

Je me borne donc à quelques jalons.

Ø   Févier – début mars 1789

Assemblées de paroisses pour la rédaction des cahiers de doléances. Nous ne connaissons rien de la tenue d’une telle assemblée à Lerzy, pas plus que sur l’éventuelle existence d’un cahier de doléances (par contre, celui d’Etréaupont a été publié).

Ø   5 mars 1789

Assemblée du Tiers-état dans le bailliage de Guise. Elle élit 292 représentants pour l’Assemblée Départementale, devant se réunir le 16 mars à Laon.

Parmi ces représentants :

;         Jean-Antoine Marcadier, Bailly de La Capelle, demeurant à Guise,

;         Alexis Foucampre, laboureur à Clairfontaine,

;         Jean-Baptiste de Brun, laboureur à La Capelle,

;         Pierre-Joseph Carlier, bourgeois à Englancourt,

;         Eloy -Louis Hallier, laboureur à Buironfosse.

Quels furent les changements dans la direction municipale et quelles décisions furent prises ? La recherche reste à faire.

Mais la guerre fait de nouveau rage.

Ø      1792

Avec environ 10 000 hommes, La Fayette campe sur le territoire de La Capelle. C’est sans doute à cette époque que disparaîtra le « château » seigneurial.

Ø      1793

La Patrie est en danger. Les troupes de la coalition ennemie envahissent et occupent notre région. Un décret du 24 février appelle sous les armes tous les Français de 18 à 40 ans ; un registre est ouvert dans toutes les communes pour l’inscription des volontaires.

A Buironfosse, la commune se charge d’habiller ses 19 volontaires et alloue 300 livres à chacun.

Les conséquences de cette guerre sont les mêmes que précédemment : la disette.

Ø      1795

« … La présence de l’ennemi, qui a empêché les travaux des champs, ses nombreuses réquisitions, celles qu’on a été obligé de faire pour nourrir nos soldats, ont anéanti les ressources de pays et, dans l’hiver de 1795, la disette apparaît de nouveau dans la Thiérache avec toutes ses souffrances… »

( « La Thiérache » - 1849 – page 17)


 

La guerre qui s’éternise, la disette qui revient… Il y a de quoi refroidir l’ardeur révolutionnaire du départ. D’autant plus que s’y ajoutent maintenant des problèmes religieux. La Constitution Civile du Clergé a été votée, mais le curé de Lerzy, Ravaux, a refusé de lui prêter serment. Il continuerait d’ailleurs à exercer son culte.

Un incident ne pouvait que survenir, il eut lieu le 1er Vendémiaire an V (1797). Par plusieurs lois successives, le gouvernement avait décidé la vente des biens de l’Eglise. A Lerzy, c’est le presbytère qui est à vendre. Il est acquis par Pierre-Joseph Dupont. Ce dernier se présente donc le 1er Vendémiaire pour prendre possession de son acquisition. L’agent municipal est là. Mais, avec lui, Ravaux (l’ex-curé), et plusieurs dizaines de personnes (dont certaines venues de Froidestrées… ce qui prouve que la manifestation était loin d’être spontanée !).A P.J Dupont, l’agent municipal précise qu’il est prêt à lui remettre les clefs du presbytère… mais à une condition ; que les habitants y consentent et l’y autorisent.. Protestations immédiates des manifestants, menaces physiques… Alla-t-on plus loin ? L’enquête à laquelle il fut procédé indique qu’une

« … multitude effrénée s’est portée aux derniers excès sur l’acquéreur du presbytère… »

quant à Dupont, il précise dans sa plainte que

« … les menaces ont été accompagnées de voyes de fait dont il n’a évité la continuité qu’en prenant la fuite… »

L’agent municipal sera destitué et traduit devant le tribunal criminel du département.

J’ignore les décisions prises, de même que le sort ultérieur de Ravaux.

( Rédigé d’après un dossier des Archives Nationale F7 - 7191)


 

Ø   Les conscrits de l’an 10 (1802)

 

FAUCHART

Louis-Joseph

manœuvre

né le 27.11.1780

JOSEPH

Jean-Louis

scieur de bois

né le 21.01.1781

GUILBAUT

Jean-Baptiste

tisserand

né le 30.01.1781

DESTAME

Jean-Baptiste

charpentier

né le 06.05.1781

BAUDOIN

Charles-Louis

manœuvre

né le 03.07.1781

MAGNIER

Pierre -Nicolas

valet

né le 14.07.1781

TEVENIN

Louis-Joseph

mendiant

né le 18.08.1781

BROUART

Louis-Joseph

charpentier

né le 23.08.1781

 

Quelques-uns ne reviendront pas des campagnes napoléoniennes…

C’est le cas notamment de Machin Louis, né le 23 mars 1787, appelé sous les drapeaux le 10 avril 1807 (n° matricule 4380). Soldat au 40ème Régiment d’Infanterie de ligne, disparaît au Portugal le 31 décembre 1807.

 

… d’autres auront plus de chance

Ainsi Mabille Pierre Louis Joseph, né le 3 (ou le 5) juillet 1780. Recruté le 20 vendémiaire an 14 (1806), il est fusilier à la 1ère Compagnie du 5ème bataillon du 63ème Régiment d’Infanterie et combat en Espagne de 1806 à 1810. Il est blessé le 14 février 1810 à Argnez. Blessure apparemment peu glorieuse

« … fracture de la clavicule à la suite d’une chute d’une croisée du 1er étage… »

Cette fracture n’ayant pu être réduite

« … a laissé une grande difformité… il devient impossible à ce militaire d’exécuter le maniement des armes… »

 

Mabille sera donc réformé (certificat du 20 septembre 1810) et reviendra à Lerzy en décembre 1810.


 

Les guerres de Napoléon deviennent de plus en plus impopulaires.

Dans le budget communal de 1810, nous avons relevé :

« 45,35 francs ajoutés par le Préfet sous la mention « envoi de garnissaires pour les conscrits réfractaires de 1807.

« Note : ces garnissaires ayant dû être placés chez les parents des conscrits et non chez les aubergistes, le Maire réclamera à ces parents le payement de cette somme… » (1)

Nous connaissons deux de ces conscrits réfractaires, qui figurent dans un état des amnistiés de l’arrondissement de Vervins :

·        Magnier      Jean-Baptiste   (n°442 dans cet état)

·        Marie          Jean-François  (n°435 dans cet état)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1) lors des guerres de religion, des soldats (les « janissaires » ou « garnissaires » étaient désignés pour être hébergés gratuitement, logement et nourriture compris, dans des familles de reformés…où ils disposaient pratiquement de tous les droits . Ces modalités de « persuasion » (ou plus exactement, de persécution) furent reprises plus tard-comme le prouve la citation ci-dessus- à l’encontre des familles comptant des déserteurs dans leurs rangs.


Décès au 18ème siècle

1700

6

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1701

8

1711

7

1721

10

1731

4

1741

23

1751

 

1761

27

1771

27

1781

28

1791

9

1702

7

1712

9

1722

10

1732

6

1742

14

1752

9

1762

7

1772

23

1782

12

1792

24

1703

9

1713

9

1723

12

1733

17

1743

4

1753

9

1763

14

1773

25

1783

12

 

 

1704

11

1714

12

1724

14

1734

5

1744

6

1754

9

1764

21

1774

21

1784

27

 

 

1705

10

1715

13

1725

27

1735

7

1745

8

1755

13

1765

11

1775

18

1785

7

 

 

1706

14

1716

14

1726

17

1736

6

1746

6

1756

26

1766

21

1776

7

1786

16

 

 

1707

15

1717

2

1727

14

1737

3

1747

22

1757

20

1767

15

1777

9

1787

15

 

 

1708

31

1718

4

1728

22

1738

11

1748

11

1758

16

1768

38

1778

15

1788

17

 

 

1709

10

1719

10

1729

15

1739

17

1749

9

1759

32

1769

16

1779

16

1789

11

 

 

1710

20

1720

13

1730

12

1740

16

1750

3

1760

19

1770

19

1780

11

1790

27

 

 

 

N.B : Les années de plus forte mortalité (20 décès et plus) sont en caractères Rouge/Gras


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXES


Le martyre d’une région

Dans une très documentée « Monographie de la commune d’Iviers » due à Henry-Fernand Carpentier et rééditée en 1901, nous avons relevé quelques passages qui nous paraissent particulièrement révélateurs de la misère atroce générée  en Thiérache par les guerres successives qui l’ont ravagée.

« … De 1029 à 1032, une horrible famine désola la France et spécialement la Thiérache et le Laonnais ; elle fut si cruelle (…) que l’on vit des gens affamés déterrer les cadavres et égorger les enfants pour s’en repaître. En 1087 et les quelques années qui suivirent, la peste exerça ses ravages dans la Thiérache… »

(pages 94 – 95)

D’après un acte notarial de 1527,

« … au moyen des guerres et divisions qui depuis six ou sept ans ença ont eu cours (…) la plus part des doyennez de l’Election de Laon comme Aubenton, Vervins, Monteornet, Rosoy, Guise, Ribemont et les villaiges d’iceux doyennez, ont été espapulés et pillés par les ennemys du royaume de France qui journellement faisaient courses et pilleries au dit pays et élection… »

« Les habitations, poursuit M Carpentier, furent abandonnées, les terrains laissés en friche et cet état de choses se prolongea pendant un temps assez long… »

En témoignent les déclarations faites par plusieurs personnes du doyenné de Vervins lors d’une enquête en 1596.

« … lesquelsz ont dict et affirmé quilz congnoissent tous les villaiges du doyenné de Vervins et sçavent que du dict doyenné deppendent 32 villaiges et la ville de Vervins, ausquels villaiges du dict doyenné depuis les guerres quy ont du avoir en ce royaume huilt ans, ont esté pour la plus grande partie ruynés par les gens de guerre, tant du pays de France que des Pays-Bas, tellement que la plus part des habitants du dict doynné ont habandonnez les dicts villaiges… »

(pages 95 – 96)

« … de 1635 à 1655, pendant la guerre espagnole et la Fronde, toute la Thiérache fut en proie aux maux les plus terribles. Ruinée par la guerre, décimée par la famine, elle vit la peste aggraver ces fléaux et ce qui fut plus épouvantable, dit un chroniqueur, « c’est que les loups après s’être saoulés de corps morts, ne trouvant plus de quoy vivre, devinrent enragez et dépeuplèrent une partie des villages qui n’estaient par entièrement déserts, ce qui désola toute la province. »

(page 96)

Toujours pour cette période - et ce sera notre dernière citation – ce témoignage des missionnaires de Saint-Vincent de Paul :

« … Nous venons de visiter trente cinq villages du doyenné de Guise, dont la misère est si grande que les habitants se jettent sur les chevaux morts après que les loups en ont fait leur curée ; il y a un très grand nombre de pauvres de la Thiérache qui, depuis plusieurs semaines, n’ont pas mangé de pain et ne se sont nourris que de lézards, de grenouilles et de l’herbe des champs (…) Nous voyons des hommes manger la terre, arracher l’écorce des arbres, déchirer les haillons dont ils sont couverts pour les avaler ; mais ce qui fait horreur et que nous n’oserions dire si nous ne l’avions vu, il se mangent les bras et les mains, et meurent de désespoir… »

 

Les seigneurs de Lerzy

En nous aidant des travaux déjà réalisés (notamment « Le Dictionnaire Historique de l’Aisne »), en poursuivant nos recherches dans les archives communales et départementales, il nous a été possible de reconstituer la liste des seigneurs de Lerzy du XIIème siècle à 1789.

Cette liste n’a pas la prétention d’être complète mais, simplement, de jalonner l’histoire de notre petit village.

La voici.

Ø      1165

Guy de Leherzies  épouse : Marguerite

Ø      12..

Mathieu 1er de Lerzy. A comme enfants : Mathieu et Rose (qui épousera Etienne de Noailles)

Ø      12..

Mathieu II de Lerzy.         Épouse : Marie

Ø      1244

Pierre, seigneur de Lerzy. A un fils nommé Collard de Froidestrées (seigneur de cette localité)

Ø      1245

Guy, chevalier de Lerzy. Sa mère et lui vendront une partie de leurs terres situées à Foigny.

A la même époque, une Rose de Lerzy (dont nous ignorons les liens de parenté avec les précédents) cède également ses droits de « terrage » à Foigny

Ø      1247

Mathieu de Lerzy. Son épouse fait donation d’un muid de blé à Foigny

Ø      vers 1260

Roland de Lerzy, chevalier

Ø      1272

Renaud de Lerzy, écuyer, fils du précédent

Ø      1311

Jean de Lerzy

Ø      1344

Gérard, seigneur de Voulpaix, chevalier. Devient seigneur de Lerzy grâce à son mariage avec Luce de Lerzy.

Ø      1373

Jean de Lerzy, écuyer, seigneur de Voulpaix et de Lerzy, donne le dénombrement de ces deux fiefs, en foi et hommage, à Thomas de Coucy.

Thomas III de Coucy, seigneur de Vervins était le descendant de cette orgueilleuse famille des Coucy qui, pendant la féodalité, donnèrent tant de mal aux rois de France, et dont chacun connaît la fière devise : « Roy ne suis, prince ne daigne, ni duc, ni comte aussi ; je suis le sire de Coucy »

Thomas III fut nommé Grand Sénéchal de France par Philippe le Hardi.

 

A partir de cette date, il est difficile de rétablir la lignée des seigneurs… mais il semble bien que la seigneurie de Lerzy soit restée pendant de longues années propriété des sires de Coucy.

Ø      1412

Thomas de Lerzy participe à la tête d’une troupe de 600 soldats à la prise de Vervins par les Armagnacs. En 1416, nous retrouvons le même promu grand bailli du Yermandois.

 

Ø      1593

La seigneurie de Lerzy est désormais entre les mains du marquis Claude Henry de Grammont, époux de Louise de Fay(1).

      Ce marquis est un petit-fils de Jacques de Coucy (seigneur de Vervins. Né vers 1496 – Décapité le 5 juin 1549).

      Jacques de Coucy avait deux filles : Claude (épouse du comte d’Apremont) et Joachine (épouse de Simon de Grammont). C’est Claude, comtesse d’Apremont, qui donnera la seigneurie de Lerzy à son neveu, Claude Henry de Grammont(2)..

Ø      1612

Claude Henry de Grammont, chevalier

Ø      1641

Claude Henry de Grammont (fils du précédent ?) est commandant de la ville de Vervins(3).

Ø      1660

Philippe Charles de Grammont. Son épouse, Claude Louise de Cauret, dame d’Erlon, décèdera le 17 janvier 1706 à l’âge de 80 ans et sera inhumée à Erlon.

Ø      1714

Plusieurs faits curieux relatifs à la possession de la seigneurie(4).

21 février : la terre et la seigneurie du fief de la Mothe de Lerzy sont vendus par adjudication (13 800 livres) à Charles Antoine de Fay, chevalier, seigneur de Puisieux… Pour quelles raison ? Nous l’ignorons.

28 août : Mademoiselle de Grammont dépose entre les mains de Monsieur Brouette, premier huissier-audencier au baillage de Ribemont, la somme nécessaire au rachat (3 038 écus, 18 louis d’or, et le reste en monnaie).

Acte en est donné le 31 août, confirmé par un jugement du 2 octobre.

N.B.    A l’appui de sa demande en « retrait lignager », Mademoiselle de Grammont dut fournir un acte officiel ; elle produisit le contrat de donation de la terre de Lerzy à Claude Henry de Grammont par sa tante Claude de Coucy, comtesse d’Apremont (1593). Elle triomphe donc et, le 27 novembre 1714, le seigneur de Puisieux est condamné à remettre au greffe son titre de propriété ; le remboursement du prix principal devant s’effectuer 24 heures après cette remise

Ø      9 mai 1720

Décès, à l’âge de 55 ans, de Mademoiselle Claude Louise de Grammont, dame du fief de Lamothe de Lerzy. Inhumée dans l’église de Lerzy.

 

Après ce décès, il semble que la seigneurie de Lerzy ait à nouveau été vendue.

Ø      En effet, en 1721,

le seigneur de Lerzy est désormais Simon Charles de Bonigalle, « maître des comptes de la Chambre de Paris ». Son épouse, Marie Elisabeth de Vigny est la fille d’un militaire (lieutenant général d’artillerie, capitaine général des Bombardiers de France).

Ø      14 avril 1735

Après le décès de Simon Charles de Bonigalle, sa veuve se remarie avec le marquis d’Autanne (dont le père – originaire sans doute de la région d’Avignon – était Maréchal des camps et armées du roi).

De ce mariage, naît Louis Bruno Marie (baptisé le 26 avril 1737) qui décèdera à l’âge de 19 ans, le 23 mars 1756 . Il sera enterré dans le chœur de l’église. La dalle funéraire, en pierre bleue, porte l’inscription suivante :

Ci-gist Marie Louis Bruno De Fournier, Marquis d’Autanne, Chevalier, seigneur de Lamothe Lerzy, de Lerzy et de Froidestrées en partie.

Fils de Messire Esprit Bruno De Fournier, Marquis d’Autanne, Lieutenant Général des Armées du Roy et de feue madame Marie Elisabeth De Vigny, dame de Lamothe de Lerzy, décédé le 23 mars 1756, âgé de 19 ans.

 

Dans certains documents, on trouve l’orthographe Grandmond (au lieu de Grammont). Les seigneurs de Grammont étaient originaires de Franche-Comté.

(2)      Voir revue « La Thiérache » (années 1873 – 1874 – page 160)

(3)      Voir revue « La Thiérache » (T. 4 – page 186)

(4)      Archives Départementales de l’Aisne – Dossier B. 260s

 

Ø      En 1763

nouveau seigneur : Jean Charles François de Folleville, écuyer, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint Louis, conseiller secrétaire du Roy, Maison couronne de France et de ses finances, commissaire-ordonnateur des guerres, premier secrétaire des commandements du maréchal prince de Soubise, seigneur de la vicomté de Gergny, du comté de St Lot et de la seigneurie de La Motte Lerzy et autres (titres repris d’après un document du 17 octobre 1777).

 

Il paraît peu probable que ce seigneur ait résidé à Lerzy. En fait, le document cité plus haut indique comme adresse : rue du Paradis, à Paris(5)   .

 

 

(5)      Par cet acte, J. C. F de Folleville sollicitait – et obtenait – l’autorisation de faire procéder à la rédaction d’un nouveau « Terrier », « … les droits de ses terres ayant été négligés depuis quelques temps et craignant que des titres ne viennent à se prescrire et qu’il ne perde ses droits par la mauvaise foy des détenteurs… ». Il ne semble pas que ce projet ait été réalisé.


Les possessions seigneuriales en 1795

Extrait du rapport adressé le 24 nivôse an III au conseil permanent et révolutionnaire du district de Vervins par les citoyens Jean Antoine Marcadier, juge de paix du canton de La Capelle, demeurant à La Capelle, et Joseph Truber, notaire public et arpenteur, demeurant à Gergny, commis pour visiter, diviser par lots et estimer la succession de Jean Charles François Forceville à l’effet d’arriver à la vente de ces immeubles :

« … La maison, appelée le château, étant à double étage, chambres, cuisines, remise, grange, pavillons, bâtis en bricques, couverts d’ardoises, avec cour, parterre, prez, bois, hayes, fossés, avenues, ainsi que le petit moulin y tenant, composé de deux tournants, une cuisine, chambres, écurie, loges à porcqs et une grange, avec touttes les circonstances et dépendances sans aucune réserve, comme le tout se contient et comporte, construit sur cent trente-deux jallois douze verges un quart de terrein, entouré de fossés et hayes vives et franches de touttes parts, tenant le total d’une lizière du nord à la Grande Rue, renforçant à cause d’une hache, à cause des jardins des citoyens Joseph Maréchal, Jean Baptiste Brouart autres, formant encore une autre hache à cause du grand chemin d’Etréaupont, d’autre lizière aux terres du Plouïs, d’un bout du levant au grand chemin qui conduit aux Corbions, d’autre bout à Jean Obert.

Plus 50 verges de terrein occupé par une avenue qui sort du parc vers le midi les hayes compris… »

Il va de soi que cette « description » donne peu d’indications précises sur la situation exacte et la disposition du « château ». Il conviendrait de poursuivre des recherches, notamment en étudiant le « Terrier » de Lerzy (ancêtre de nos plans cadastraux).

Notons cependant que :

-           d’après la tradition ; le « château » était situé à gauche de la rue actuelle du village, qui monte à l’église, entre les deux bras du ruisseau qui, alors, baignait les murs. Un étang assez vaste s’étendait au Sud. Un pont-levis devait se trouver au Nord, comme on peut le supposer en examinant les fondations des caves subsistant encore.

-           Le « petit moulin » dont parle le rapport avait été construit par Madame de Grammont… d’une manière sans doute illégale, puisqu’elle avait été condamnée à la demande des abbesses de l’abbaye d’Origny Sainte Benoîte.

Les seigneurs possédaient par ailleurs :

« … 3 maisons toutes 3 bâties en terre et bois et couvertes de pailles, une au Bouhourie, une rue de Buironfosse ou de Guise, une rue de La Capelle.

… 3 bois occupés par des avenues (bois de Jansart, bois des Rigolles dit Heries de Marsy, bois la Haut) … pour une superficie d’environ 200 jalois… »

Selon les rapporteurs précités, les seigneurs possédaient donc une propriété d’environ 950 jalois (correspondant à peu près à 2 ha et demi) dont ils évaluaient le prix à 319 500 livres (correspondant à peu près, en 1962, à 1 200 000 NF).

 

 

 

 

 

Source : Revue « La Thiérache » (T . 14 – pages 58 – 59)


L’abbaye d’Origny Sainte-Benoîte

Comme la plupart des villages, Lerzy possédait donc ses « seigneurs », même si ces derniers n’habitaient pas toujours les demeures qu’ils possédaient : nous avons tenté par ailleurs d’en dresser la liste.

Mais, en fait, ils ne disposaient d’aucun pouvoir sur le terroir, tous les droits concernant ce dernier appartenant à l’abbaye d’Origny Sainte-Benoîte (le monastère existait déjà sous Charlemagne).

Une des plus importantes abbayes de l’Aisne.

Dans un mémoire manuscrit de 1700 (« La Thiérache » - 1849 – page 33), son revenu était alors évalué à 28 000 livres (contre 8 000 seulement à Saint-Michel et 18 000 à Foigny).

C’était, dit ce mémoire, « … la plus importante de l’élection de Guise… ». En 1782, son revenu atteint 83 223 livres, la plaçant au 7ème rang des collectivités religieuses de l’Aisne ; elle groupe alors 40 religieuses et l’abbesse en est Madame de Narbonne- Lara (dont le revenu est de 16 000 livres).

Parmi les documents traitant des rapports entre l’abbaye et les habitants de Lerzy, et tout en précisant que nous n’avons pas eu accès aux archives, nous avons pu relever :

Ø      1572

Une transaction règle l’utilisation du moulin par les habitants

Ø      1573

une nouvelle transaction accorde aux habitants le droit d’utiliser gratuitement le sable et l’argile.

Ø      1683

(27 janvier) un jugement en faveur des abbesses dans un procès intenté par ces dernières à Claude-Louise de Cauret, veuve de Philippe Charles de Grammont, seigneur de Lerzy

 

Cela mérite d’être conté.

Alors que l’abbaye possédait à Lerzy un moulin que devaient utiliser - contre payement – les habitants, Madame de Grammont avait fait

« … couper et trancher le petit ruisseau et en ouvrir un dans les usages et pastures de soixante pas de longueur et de quatre pas de largeur au bout duquel elle faict construire un moulin à eau, au moïen duquel elle cesse de moudre ses grains en celuy des dittes dames, obligeant au surplus tous ses fermiers et ceux qui sont dans la censive des dittes dames et ceux qui sont dans l’enclos de son dit fief, soit par menaces ou autrement, à moudre aussy leurs grains en son dit moulin, ce qui est à leur préjudice… »

Le jugement est clair : Madame de Grammont est condamnée à remettre le ruisseau dans l’état où il se trouvait antérieurement, et à payer à l’abbaye des dommages-intérêts (dont le montant ne semble pas avoir été précisé).

Y a-t-il eu appel ? transaction ultérieure entre les abbesses et Madame de Grammont ?

Dans tous les cas, le jugement n’a pas été appliqué.

En effet, dans le rapport établi en 1795 (la description du « château ») cité par ailleurs, le moulin figure toujours dans l’inventaire des propriétés seigneuriales.

Notons que les deux moulins ne fonctionnent plus actuellement, mais que subsistent leurs bâtiments (ou tout au moins une partie) : chez Monsieur Michel Lesur et chez Monsieur Roger Geldhof.


Ø      1720

(2 décembre) ; Bail accordé à Auguste Defons et Pierre Laude, et concernant la terre et seigneurie de Lerzy, ainsi que celle de Froidestrées. Montant annuel : 1 600 livres (correspondant approximativement à 14 000 F actuels)

Ø      1732   

(29 août). Dans le recensement de tous les bois appartenant à l’abbaye, il est indiqué que celle-ci possède 4 bois à Lerzy : le Bois Josseux (39 arpents), le Bois d’Autremont (38 arpents), le Bois de la Foué (8 arpents) et le Bois de La-Haut (38 arpents).

Ø      1737   

Début, à l’initiative de l’abbaye, de la confection du « Terrier ».

      On ne sautait trop insister sur l’importance d’un tel document ; on y trouvera –entre autres - : la liste des droits féodaux auxquels étaient astreints les habitants de Lerzy (leur résumé figure par ailleurs) ainsi que le nom de tous les « contribuables ».

Ø      1763

(22 septembre). Une visite du Bois d’Autremont à permis de constater que les habitants de La Capelle, Froidestrées et Lerzy l’ont quasiment totalement ravagé (il n’en reste plus qu’un quart). On apprend par la même occasion que le garde de ce bois a été maltraité à plusieurs reprises.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Quelques droits féodaux

Les abbesses de Sainte-Benoîte d’ Origny possédaient les droits de haute, moyenne et basse justice sur le terroir de Lerzy.

Rappelons que, à cette époque, la basse justice correspondait à peu près à ce que nous appelons aujourd’hui une contravention, la moyenne justice à ce que nous qualifions délit, et la haute justice à ce que nous nommons crime(1).

Elles disposaient pour cela d’un bailly, d’un lieutenant, d’un procureur d’office, d’un maire, d’échevins, d’un greffier, d’un sergent, d’un fermier des amendes…

D’après « Le Terrier » (cet ancêtre de nos plans cadastraux) élaboré en 1737 à la demande des abbesses, il a été possible d’établir la liste des droits féodaux auxquels étaient astreints les habitants de Lerzy.

CENS

·             pour chaque jaloi de terre ou de pré (1 jaloi = 25 ares 74 centiares 88), 6 deniers tournois, payables le jour de Noël.

Il s’agissait là d’une redevance extrêmement faible correspondant approximativement à 0,88 F par ha. Son montant avait été fixé plusieurs siècles auparavant et n’avait pas varié depuis ; la diminution progressive de la valeur de l’argent avait en conséquence pratiquement réduit à rien le montant de ces redevances.

·             Pour les maisons et jardins, par contre, le paiement s’effectuait en nature (essentiellement : chapons et poules). En 1737 on peut approximativement évaluer à 150 chapons et 120 poules le nombre des volailles remises annuellement aux abbesses.

BANALITES

Les habitants sont tenus de faire moudre leurs grains aux moulins appartenant à l’abbaye.

Par contre, ils peuvent prendre, sans acquitter aucun droit « … sables et argiles… » (d’après un contrat de transaction établi le 30 octobre 1572 entre l’abbaye et les habitants de Lerzy).

QUELQUES AUTRES DROITS FEODAUX

·             10 deniers pour chaque cheval vendu à Lerzy (droit au tonnelier),

·             10 deniers pour chaque lit de plume possédé par les habitants,

·             un « pot » ( ?) pour chaque roue de charrette ou chariot chargé (droit de rouage),

·             un pot de vin, un pain, un quartier de fromage et un fagot que reçoivent pour salaire les maires et échevins pour chaque pièce de vin « afforée » par eux,

·             5 sols pour l’entrée et la sortie, amende des délits et dégâts qui se font aux héritages par les bestiaux.

 

 

 

 

 

 

(1)    Le « Terrier » précise deux endroits destinés à l’exécution et à l’inhumation de condamnés (mais y en eut-il ?) :

·          le lieu du Pilori : devant l’église, près de « …la maison seigneuriale des dames… »

 

·          le lieu des Fourches Patibulaires, où étaient portés les corps des exécutés, sur le chemin vert de Lerzy à Froidestrées, appelé La Terrière ; un lieu où les habitants avaient extrait de la terre.


Les habitants de Lerzy sont par ailleurs astreints à d’autres droits féodaux assez difficiles à préciser : une étude systématique du « Terrier » pourrait seule permettre d’y parvenir… Mais il faudrait pour cela plus de temps et de compétence que je n’en avais lorsque j’entrepris mes recherches.

Et n’oublions surtout pas qu’il ne s’agit là que de droits féodaux et que, outre ces derniers, les habitants devaient s’acquitter de nombreux impôts royaux, de la dîme, et étaient astreints à pas mal de corvées.

Sans parler de ce impôt inique que fut la gabelle, à laquelle nous consacrons les quelques pages suivantes.


Un impôt haï entre tous : la gabelle

D’origine romaine, et repris par la royauté (ordonnance de 1342), cet impôt va peser de plus en plus lourdement sur les conditions de vie, pourtant déjà si dures, des paysans.

Le principe en est simple :

Ø        la vente du sel est du ressort exclusif de l’Etat, par l’intermédiaire de « greniers à sel » constitués à cet effet… mais à un prix prohibitif (plus de 40 fois le prix normal dans certaines régions)

Ø        on impose à chacun l’achat d’une quantité de sel correspondant à ses besoins présumés (selon le nombre de membres de la famille)… et toujours aux prix fort. On avait même prévu deux types de besoins : ordinaires (« pour le pot et la salière ») et exceptionnels (pour les salaisons, indispensables à la campagne)(1).

« … De tous les impôts, il n’en est point de plus révoltant ni de plus désastreux que celui du sel. Il n’en est point de plus odieux… »

déclare de Viefville des Essars, député du Vermandois, lors de la séance de l’Assemblée nationale du 23 septembre 1789, et il ajoute :

« … cet impôt, qui est peu de chose pour l’homme opulent, est beaucoup pour les propriétaires et les cultivateurs, et il écrase la classe indigente (…) Le fisc se remplit ainsi du sang et de la sueur des malheureux… »(2)

La pression fiscale ne cessant d’augmenter, et aucune plainte n’étant écoutée, s’organise peu à peu une certaine forme de résistance : la contrebande.

Elle ne connaîtra pas dans notre région l’importance qu’elle a eu en Bretagne, dans le Maine et dans l’Anjou… mais se développera pourtant assez rapidement grâce, en particulier, à la proximité des frontières.

Et ce, malgré les peines terribles qu’encouraient les contrebandiers (les « faux sauniers »)… Qu’on en juge(3) :

Ø        contrebande à pied et sans armes : 200 livres d’amende à la première infraction ; 6 ans de galère en cas de récidive ; 9 ans de galère ; exécution en cas de récidive(4) ;

 

 

 

 

 

 

 

 

(1    )Relevé à propos de Marle : « … Suivant l’ordonnance des gabelles, chaque habitant devait prendre sa quantité au grenier sel de Marle, soit un minot ou 39 l 36 dl pour 14 personnes, pour le pot et la salière, le surplus étant acheté à gros prix pour les salaisons. L’ordonnance de 1680 prévoyait l’achat obligatoire de 7 livres de sel par personne et par an… » René Toffin : « La cense de Haudreville aux 17ème et 18ème siècles » ‘Mémoire de la Fédération des Société s Savantes – tome 5 – page 90).

(2)   « Histoire de la Révolution dans le département de l’Aisne » Alfred Demasines pages 98 – 99

(3)   Renseignements empruntés à divers auteurs, et notamment à Marcel Marion : « Dictionnaire des Institutions de la France au XVIIème et XVIIIème siècles » (Paris 1923) pages 250 et suivantes

(4)   A propos de la condamnation aux galères : « … Sous Louis XIV, il fallait créer la marine royale ; des rameurs devaient être trouvés pour les galères de la Méditerranée.. Ordre fut donné aux Cours de Justice de convertir la peine de mort en celle des galères et d’appliquer cette dernière le plus souvent possible. Chose plus effroyable : on gardait ces malheureux après leur temps achevé, parce que les bras manquaient toujours pour le service des galères… » (Journal des Instituteurs – n°5 du 22.11.1958). Ajoutons que les mêmes peines furent appliquées, après la Révocation de l’Edit de Nantes, aux protestants.


Ø        contrebande avec chevaux : 300 livres d’amende ; 9 ans de galère en cas de récidive ;

Ø        soldats, officiers, juges, employés de ferme… pratiquant ou favorisant le faux-saunage : la mort.

Ø        Même les femmes et les filles étaient visées : 100 livres d’amende à la première infraction ; séances de fouettage aux carrefours de la ville et, enfin, bannissement perpétuel(5).

Malgré cette implacable répression, assurée par une véritable armée d’environ 23 000 agents, qui se conduisaient souvent comme des bandits, la contrebande ne cessera pourtant d’exister, ni de se développer.

A Lerzy comme ailleurs.

Notre village dépendait du grenier à sel de Vervins. C’est ce grenier seulement qui avait le droit de vendre du sel ; c’est lui qui vérifiait les mesures servant à la distribution de ce sel dans les paroisses(6) ; c’est lui enfin qui ordonnait les contrôles à effectuer au domicile des paysans.

Ces contrôles (allant de l’embuscade à la perquisition pure et simple) sont très fréquents. Citons-en quelques-uns concernant notre commune(7) en précisant que leur relation est le fait des « gabelous » eux-mêmes… et dont pour le moins favorable à leur action.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(5)   Nous avons retrouvé, aux Archives Départementales (dossier B. 4133), mention de deux fillettes emprisonnées à Guise en 1788 : Marie Anne Guinguin (11 ans) et sa sœur Rose (10 ans). On voit que la « justice » était implacable… pour ces dangereuses criminelles.

(6)   Aux Archives Départementales (dossier B. 4103) figure un procès-verbal en date du 11 décembre 1775 relatant la vérification des mesures en ce qui concerne Lerzy. Ces mesures, apportées à Vervins par le Maire de Lerzy (Pierre Joseph Genart), ont été jugées « … bonnes, il faut seulement rattacher le cercle en demy-pot… »

      Indiquons que ces mesures étaient les suivantes

      Le pot correspondait à 2 litres 234,5

      Le ½ pot correspondait à 1 litre 117,2

      La pièce correspondait à 201 litres 452

(7)   Tous les renseignements qui suivent sont extraits du dossier B. 4103 (Archives Départementales)


 

Embuscade au Bois de la Dame…

Ø      Le 10 décembre 1774

trois agents (le brigadier François Travel, l’employé Louis Joseph Ancelin et le cavalier Joseph Duriets) se rendent

« … au Bois de la Dame, près du village de Lerzy, et attenant à la forêt du Régnaval… »

Une dénonciation leur a appris en effet que trois particuliers d’Erloy étaient allés à l’étranger

« …y faire emplette de fraude … »

Ils se cachent à peu de distance du sentier conduisant de Lerzy à Erloy et attendent… 21 heures 30… Deux hommes s’avancent, venant de Lerzy,

« … tous deux vêtus de veste blanchâtre porteurs de chacun un ballot sur leurs cols, lesquels ballots ils soutenaient à l’aide d’un bâton… »

Les voici à 10 pas des agents embusqués qui,

« … à la faveur d’un beau clair de lune… »

les identifient pour être les nommés Guénet et François, deux militaires du Régiment des Gardes Françaises stationné à Erloy. Interpellés, les deux militaires abandonnent ballots et bâtons, prennent la fuite, tombent et se relèvent aussitôt ; ils ne seront pas rejoints. Deux autres agents (Mathieu Legris et Nicolas Sauvage) qui, eux, étaient embusqués dans le village, sont alertés par des coups de feu et rejoignent leurs trois camarades. Leur mission est terminée. Reste à savoir si la prise est bonne : trois ballots contenant du

« … sel blanc en écaille dissemblable à celui de la masse en vente au Grenier à Sel… »,

en tout deux minots un quart.

Quant aux soldats, l’histoire ne nous dit pas s’ils ont été retrouvés.

 


 

… et au Bouhoury

Ø      Le 17 mai 1775

vers 20 heures, le sous-brigadier Louis Laurence et l’employé Arthur Le Cointe (de la sous-brigade ambulante établie à Saint-Algis) sont embusqués au hameau du Bouhoury. Ils voient venir

« … deux hommes à nous inconnus monté sur chacun un cheval… ».

Interpellés par les gabelous, ces deux hommes prennent rapidement la fuite vers les usages de Buironfosses…

Coups de feu des agents, apparemment sans résultat.

Toutefois, à proximité des usages de Buironfosse, un fuyard abandonne son cheval, blessé par un coup de feu.

La bête abandonnée

« … un cheval ongre sous paille rouge… »

était chargée de trois sacs : les deux premiers contenaient du

« … faux sel gris à grogrin

et le troisième

« … trois quarotte ronde à fuseaux de faux tabasq… »

Après quoi

« … avec le dit cheval sel et tabacq et touse ensemble avons prys la route du Grenier à sel… »

Est-ce pour fêter leur prise ? Est-ce, comme l’indique leur rapport, compte-tenu de l’heure tardive (23 heures) ? Quoiqu’il en soit, nos deux agents s’arrêtèrent chez le nommé Tries, aubergiste à Autreppes, pour y passer le restant de la nuit. Nuit au cours de laquelle devait décéder le cheval blessé.

le lendemain, la prise (deux minots de sel, soit environ 80 kg), et « neuf livres quatre once de faux tabacq » fut remise au Grenier à Sel et à l’entrepôt de tabac de Vervins.

Perquisitions…

Abordons maintenant les perquisitions chez les particuliers. Souvent entreprises sur la base de dénonciations, elles étaient presque toutes couronnées de succès. Mais chacune contribuait à exaspérer plus encore leurs victimes.

En témoignent, entre autres, les trois exemples suivants relevés dans le même dossier que les précédents.


…. Chez Philippe Allier, menuisier.

Ø      27 février 1774…

8 heures du matin… Quatre agents (le brigadier Jean-Baptiste Daubenton, le sous-brigadier Pierre Antoine Bocquet et les employés Antoine Fauvier et Matiasse Legris) se présentent chez Philippe Allier, menuisier à Lerzy.

Il n’y trouvent qu’une femme qui déclare être la servante, et que son maître (dont elle refuse de dire le nom) est un marchand de bois actuellement absent.

La perquisition commence cependant. Les agents ont dû être bien renseignés… Dans la cuisine en effet, ils découvrent deux flacons de verre contenant du tabac en poudre, et une petite balance de cuivre ayant servi à peser le tabac… Dans une chambre haute donnant sur le jardin, nouvelles découvertes : trois carottes de tabac provenant d’une manufacture étrangère, un grand pot de grès contenant environ deux litres de sel blanc et une balance de bois « … toute ensalinée… ».

Plus curieux, presque cocasse : entre temps, les agents ont trouvé, caché dans un lit, une personne que la servante leur déclare être un « étranger malade ».

En fait, il s’agit du maître de la maison.

Ce subterfuge lui a permis de ne pas assister à la perquisition. Il refuse en conséquence de signer les « échantillons » dans lesquels les agents ont placé le sel et le tabac saisis, prétend ignorer leur provenance, suggère qu’il ont pu être introduits dans sa maison par la fenêtre qui donne sur le jardin, et refuse une nouvelle fois de signer, même le procès-verbal.

Assignation lui est faite de comparaître à « … huitaine franche.. » devant le juge de Vervins.

Nous ne connaissons pas la suite judiciaire donnée à cette affaire, pas plus d’ailleurs qu’aux deux suivantes.

…. Chez Louis Dupont, laboureur.

Quelques jours plus tard,

Ø      le 5 mars 1774

nouvelle perquisition, cette fois chez Louis Dupont, laboureur au Bouhoury. Elle est effectuée par trois agents : Jacques Vautrin (1er cavalier), Jean-Baptiste Hazard dit Verneuille (sous-brigadier) et le garde Antoine Proche.

Il est 11 heures. L’épouse de Louis Dupont, Marie-Françoise Camus, refuse tout d’abord de permettre la perquisition. Elle est toutefois contrainte d’accepter lorsque, au début de l’après-midi, se présente le capitaine du détachement dont font partie les trois agents.

Perquisition une nouvelle fois concluante : dans la cave, au fond d’un pot rempli de lait, on découvre un peu de sel blanc (il y a été caché lorsque les agents se sont présentés).

Comme dans le cas précédent, la signature des « fraudeurs » n’a pu être obtenue, ni sur les échantillons contenant le sel saisi, ni au bas du procès-verbal.


…. Chez Baptise Magnier, laboureur.

Arrivons maintenant à la relation de la perquisition qui prouvera le mieux quelle hostilité, voire quelle haine, nourrissaient contre les gabelous les populations de nos villages.

Ø      Il est vrai que nous sommes en 1789

le 10 janvier…

La Révolution  n’est plus loin…

3 heures de l’après-midi. Deux agents (le brigadier Louis Joseph Duplan et l’employé Jean Louis Mercier) se présentent chez Baptiste Magnier, laboureur.

La perquisition commence en présence de l’intéressé, ce qui semble tout d’abord surprenant. Mais, quand arrive le moment de visiter le hangar, Baptiste Magnier refuse d’accompagner les agents.

On le comprend, puisque ces derniers y découvrent, cachés dans des fagots, un port de grès contenant environ une demi-livre de « faux-sel blanc » et un petit sac en contenant 2 livres.

Sommé, Magnier a dû accepter d’assister au relevé… mais se défend comme un beau diable : ce sel ne lui appartient pas, il ne sait d’où il vient, ni qui a pu le mettre là.

Cependant, en revenant dans le domicile, nos agents y trouvent deux habitants de Lerzy, François Monclerne et Hippolite Marcadier. Discussion, violente sans doute : dans le procès-verbal, les agents précisent que Monclerne et Marcadier

« … ensemble et unanimement nous dirent beaucoup de discourt peu propre… ».

A la demande de leurs amis, Magnier, sa femme et sa fille sortent de la salle.

Tous restent dans la cour.

Les agents sont-ils inquiets ? Peut-être.

Joseph Destame, Maire de Lerzy, est requis par eux et arrive chez Magnier. Il entre dans le domicile avec les agents. A ce moment, Rosalie Magnier (la fille) accuse presque ouvertement ces derniers de lui avoir dérobé

« … un pigeon d’or (…) et autres effets… ».

Les agents proposent une visite. Le Maire refuse. Il refuse également de signer sur les échantillons saisis, d’en accepter un en dépôt. (« … mettez-le sur la cheminée… » dira-t-il), de signer même le procès-verbal et d’en remettre une copie à Magnier.

On le voit : les agents du grenier à sel, ancêtres de nos beaucoup plus sympathiques douaniers, avaient réussi à dresser – contre eux et leur administration – l’unanimité des paysans de nos villages.

Cette gabelle, inique et vexatoire, dont l’abolition sera réclamée dans les cahiers de doléances, sera enfin supprimée par la Révolution.


Querelle au XVIIème siècle

Ø      Nous sommes en 1685 le 11 janvier

Comme à l’habitude, quelques jeunes gens se sont réunis chez Pierre Magnier, « hostelain » (aubergiste) à Lerzy.

Parmi eux : Jean Dupont, Charles Thévenin et Claude Marcadier. (tous habitant Lerzy).

Ils sont venus se divertir, boire et jouer au « jeu d’assiette » (nous reviendrons plus loin sur ce jeu). Que se passe-t-il soudain ? La boisson a-t-elle fait son effet ? Un des joueurs a-t-il triché ? en fait, nul ne saura comment a débuté cette querelle.

Claude Marcadier et Charles Thévenin en viennent aux mains… Jean Dupont essaye, en vain, de s’interposer. D’autres jeunes également… la querelle durera peu et aura peu de conséquences, puisque Thévenin aura seulement

« … le visage égratigné et ensanglanté… »

(Témoignage de madame Françoise Tellier, veuve de Denis Lestains, âgée de 47 ans).

Pourquoi donc lui accorder tant d’importance ?

De toute évidence parce que , au cours de leur dispute, Marcadier et Thévenin ont échangé des jurons et, plus grave encore, blasphémé.

Les témoignages recueillis par les enquêteurs semblent concordants.

Seul, l’aubergiste ne se souvient guère de l’incident : il est vrai que l’enquête se déroule le 6 juillet (près de 6 mois après la querelle)… et qu’il est également difficile de « charger » d’aussi fidèles clients.

Son épouse (née Antoinette Flament) n’a entendu, de sa cuisine, qu’un grand bruit. Mais Nicolas Brouart, un autre témoin que les enquêteurs entendront plus tard, lui a confié que Thévenin et Marcadier

« … avaient juré le saint nom de Dieu… »

Plus précis est encore Nicolas Demarey, laboureur. Lui, après la querelle, a vu Marcadier, Thévenin, Jean et Pierre Dupont. C’est par eux (déjà réconciliés) qu’il a appris la dispute. Thévenin reprochait à ses camarades de s’être mis à trois contre lui. Ces derniers indiquèrent, au cours de cette discussion, que Thévenin

« … avait juré autant de fois le saint nom de Dieu qu’il avait des cheveux à la teste… »

ce à quoi Thévenin répartit fort tranquillement

« … qu’ils en avaient bien juré autant que lui… »

Par la même occasion, Nicolas Demarey en profite pour ajouter que, il y avait environ 18 mois,

« … il a oui jurer et regnier plusieurs fois le saint nom de Dieu par le dict Dupont… »

Autre témoin capital : Nicolas Drouart, tailleur d’habits.

Etant chez Pierre Magnier, il a entendu du bruit dans une pièce voisine, s’y est précipité, a vu Thévenin et Marcadier se battre à coups de poing (Jean et Pierre Dupont s’efforçant de les séparer ; il a entendu Thévenin jurer le saint nom de Dieu, et même le renier. Thévenin se serait même saisi d’un pistolet qu’un Dupont lui aurait enlevé.

Tels sont les faits : simple rixe de jeunes sans doute éméchés, sans dommage notable pour les combattants, apparemment rapidement réconciliés.

Alors, pourquoi avoir grossi cet incident et suscité une enquête ? Non pour la rixe elle-même, mais –nous l’avons indiqué plus haut – à cause des jurons échangés et des blasphèmes proférés.

Cela peut surprendre aujourd’hui. Mais nous étions alors dans une période où l’église catholique triomphante poursuivait de ses rigueurs inflexibles tous ceux qu’elle considérait comme hérétiques. En ce qui concerne les peines encourues par les blasphémateurs, elles allaient d’une simple amende au départ à (en cas de récidive) à la mise au carcan, puis à la lèvre fendue et même à l’ablation de la langue…

Qu’en fut-il des Thévenin, Marcadier et Dupont ?

Nous ne le savons pas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Référence : Archives Départementales de l’Aisne (dossier B. 448)


A propos du jeu de l’assiette

Ce jeu était pratiqué à la fin du XVIIème siècle à Lerzy (comme indiqué dans l’article précédent, « Querelle au XVIIème siècle »). Il semble avoir maintenant disparu.

Mais en quoi consistait-il ?

La seule précision que nous ayons pu obtenir (grâce à l’obligeance de Monsieur Dumas, directeur des services d’Archives de l’Aisne) nous a été fournie par Madame Hélène Trémaud, chef de département des jeux au Musée des Arts et Traditions populaires.

La voici (lettre du 28.11.1961) :

« … Un jeu de ce nom est encore pratiqué sporadiquement dans le Vimeu (Somme). D’après notre informateur, Monsieur Vasseur, il a pour accessoires : un disque de bois de la grandeur d’une assiette et une table faite d’une planche étroite, longue et flexible, reposant sur deux tréteaux. Il s’agit pour les joueurs (2 ou 4 en deux équipes), placés à une extrémité de la table de placer le plus possible d’assiettes à l’autre extrémité, chacun essayant naturellement, de faire tomber celles de l’adversaire… »


1806 - Un droit de péage sur les ponts de Lerzy

En 1806, les Conseils municipaux sont invités par une circulaire préfectorale à examiner la possibilité d’augmenter le revenu des communes (vraisemblablement afin de pouvoir majorer le traitement du desservant).

A Lerzy, c’est le 10 frimaire an XIV que le Conseil se réunit, sous la présidence de son maire, Monsieur Mahieu.

Sont présents : Messieurs Plisson (adjoint), Anceaux, Magnier, Monvoisin, Govin, Clin, Destame, Mahieu, Lanillame.

La discussion est longue. Comment en effet trouver de nouvelles ressources ?

Ø      Il n’existe pas à Lerzy de boucher, ni de brasseur ; le peu de cabaretiers qui s’y trouvent ne vendent pas assez pour pouvoir être assujettis à de nouvelles taxes…

Ø      La pâture commune est peu importante ; il n’est donc pas possible d’établir une taxe sur le bétail qui y est envoyé

« … les habitants aimeront mieux s’en priver que de payer quelque chose pour en jouir… »

Ø      Il n’y a aucune foire ou marché…

« … il ne se fait dans la commune aucune exploitation qui puisse assujettir les habitants à aucune imposition… »

Il est certes possible de se demander si les raisons ci-dessus (que nous avons extraites de la délibération du Conseil Municipal) sont bien sincères… ou si les conseillers se refusent à faire payer à leurs concitoyens une charge supplémentaire.

Quoi qu’il en soit, ils sont formels : aucune possibilité d’augmentation des taxes existantes.

Alors, où trouver les nouvelles ressources demandées ? Soudain, une idée jaillit, toute simple : faire payer tous ceux qui passent sur les ponts de Lerzy.

Pour bien comprendre cette question, il faut savoir que :

Ø      A cette époque, les deux ponts (dont l’un a même aujourd’hui complètement –ou presque – disparu) avaient beaucoup plus d’importance qu’aujourd’hui ;

Ø      Ces deux mêmes ponts venaient d’être reconstruits aux frais des contribuables de la commune (coût : près de 2 000 francs) ;

Ø      Un grand nombre de voituriers, pour éviter la barrière de La Capelle (où ils auraient dû payer des droits) quittaient la route Vervins –La Capelle pour rejoindre directement la route de La Capelle grâce à la « petite chaussée » reliant Froidestrées à Buironfosse… et, donc, grâce aux ponts de Lerzy

Rien ne semble donc plus juste que de leur faire payer une taxe. Le barème en est aussitôt fixe : 10 centimes par cheval ou mulet chargé (qu’il soit attelé ou non) et 5 centimes par cheval ou mulet non chargé. Seront exempts : les bestiaux allant au pâturage et à l’abreuvoir, ceux charriant les engrais ou transportant les récoltes.


De cette taxe, le Conseil attend une recette de 500 francs, Déduction faite des frais (paiement du préposé, registre…) évalués à 200 francs, il restera donc 300 francs : voilà la ressource supplémentaire demandée.

Tout le monde est satisfait. La délibération formulant les propositions ci-dessus est rédigée, signée, et adressée aux autorités supérieures.

Le 23 janvier 1806, avis favorable du Sous-Préfet. Même avis favorable, du Préfet cette fois, le 31 janvier.

Et le dossier « monte » jusqu’au Ministère… qui se charge de rafraîchir l’enthousiasme des conseillers municipaux. Dans une lettre adressée le 8 mai 1806 au Préfet, Le Ministre indique que l’établissement du droit nouveau proposé n’est pas avantageux : le 21 septembre prochain, le droit d’entretien des routes sera en effet supprimé, et les voituriers n’auront donc plus de raison d’éviter la barrière de La Capelle où aucun droit ne leur sera désormais demandé.

Alors ? La copie est à revoir… Et le Ministre n’innove pas en proposant de revenir aux formules classiques : faire payer ceux qui utilisent le pâturage commun, soumettre les cabaretiers à payer une rétribution…

Qu’en a-t-il été ? Faute de temps, nous n’avons pu poursuivre nos recherches et ne pouvons donc vous le dire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Archives Nationale – Dossier F6II – Aisne 16

Voilà l’article que je lui ai consacré dans  « Le Démocrate de l’Aisne » le 3 juin 1962.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Reproduction de l’article paru dans « Le Démocrate de l’Aisne » (3 juin 1962)

NOTES SUR L’EGLISE DE LERZY

De 1100 à nos Jours

 


Si l’on en croit le témoignage des archéologues c’est au commencement du XIIe siècle qu’aurait  été construite l’église, dédiée comme chacun sait à Sainte Benoîte

 

Elle naquit au début du XIIe siècle…

 

« L’entrée de l’église,. Ecrit en effet M Mennesson dans une communication faite en 1877 à la société archéologique de la Thiérache, s’ouvre sous un vénérable débris du commencement du 12e siècle ; c’est un arc en plein cintre composé d’étoiles à quatre pointes saillant sur le mur de façade… »

 

Ce qui fut pendant quelques siècles d’une époque Ô combien troublée l’histoire de l’église nous est assez mal connu. Il est cependant certain qu’elle souffrit de tout les mots endurés alors par notre région si souvent dévastée, (1186, 1302, 1414, 1521, 1557, 1578 …et nous en passons !)  tantôt par les flamands, tantôt par les espagnols, tantôt par les français eux même, en proie à de meurtrières luttes fratricides… fût-elle rasée ? détruite ? au cours de multiples incursions ennemies, c’est possible, mais nous l’ignorons.

 

…et se fortifia 500 ans après

 

Vers 1631 et dans les années qui suivront la guerre de Trente ans ravage une nouvelle fois – et de quelle tragique façon ! – notre contrée. Elle est en effet le lieu de passage des troupes qui apportent avec elles, le pillage, l’incendie, le viol, le rapt, la famine…

Les habitants, écrit le pasteur P.Beuzat, à la merci, des troupes indisciplinées et vagabondes ne se couchaient pas le soir avec la certitude de pouvoir subsister le lendemain » Et le même auteur rappelle les mémoires du temps, selon lesquels il n’y aurait pas d’autres choix que « d’être mordu par le chien de France ou étranglé par la chienne d’Espagne » Aucun château fort n’existe susceptible d’abriter nos malheureuses populations.

C’est alors que plusieurs villages, Lerzy entre autres, vont transformer leurs églises en forteresses.

Le donjon de Lerzy

 

Au dessus du portail, au milieu d’un écusson de pierre bleue, une date : 1632 (le 2 a aujourd’hui disparu) rappelle que, cette année là fut entreprise la construction du donjon « donjon carré avec une tour d’angle au Nord, il forme avec l’avant–corps de la construction dont la brique fait tout les frais, sauf le soubassement en grès... Comme à Prisces, comme à Burelles, le donjon de Lerzy avait un mâchicoulis également sur la face Nord ; on en voit encore les débris… »

Ecrivait M Mennesson en 1877… Hélas ! ces vestiges ont presque totalement disparu aujourd’hui. Seuls subsistent le donjon (restauré depuis) et sa tour avec leur murailles d’environ 75 cm d’épaisseur percées d’étroite meurtrières.

Les habitants de Lerzy étaient désormais mieux protégés.

 

* * *

Sur la façade Nord de l’église on lit la date de 1734 ; Nous n’avons pas pu encore retrouver quel événement commémore cette date, peut être une nouvelle reconstruction ?

 

* * *

Depuis lors, peu d’évènements importants ont marqué l’histoire de l’église, dont l’aspect extérieur est à peu de choses près, ce qu’il était il y a trois siècles.

 

 

Visitons l’intérieur…

 

A l’intérieur, rien de bien particulier : l’église se compose d’un porche voûté avec deux arcs diagonaux, d’une nef accompagnée de deux collatéraux avec arcade surbaissées soutenues par des piliers cylindriques de pierre bleue.

Notons simplement : un bénitier en marbre noir, de la forme d’une « jolie coquille cannelée à l’intérieur et à l’extérieur par un ciseau gracieux et facile, qui mérite un coup d’œil » (M Mennesson) ; une assez bonne copie sur toile de «  La Transfiguration de Raphaël ; les vitraux assez récents (1870-1873) dus à E Dalleine de Rouen.

 

Une pierre tombale historique

 

Le plus intéressant réside dans la pierre tombale que nous trouvons sur l’un des piliers gauches : Il s’agit de celle de Marie Louis Bruno de Fournier, Marquis d’Autanne, Chevalier seigneur de Lamothe Lerzy, de Lerzy et de Froidestrées en partie » décédé le 23 mars 1756 à l’âge de dix neuf ans. Cette dalle funéraire en pierre bleue fut cachée à la Révolution de 1789 sous une couche de couche de plâtre. Mise à nu en 1840 ou 1848, elle à été classée monument historique par arrêté ministériel du 20 décembre 1911. Ajoutons que nous trouvons deux autres pierres tombales à l’extérieur de l’église (l’une sur le côté gauche de l’entrée, l’autre sur la façade Sud sous la nouvelle sacristie.

 

A propos de souterrains …

 

La légende veut que plusieurs souterrains partent de l’église, notamment vers la ferme Froment, vers Etréaupont aussi…Hypothèse plausible, mais que rien n’est encore venu confirmer.

 

Une seul cloche…

 

Une simple cloche installée en 1921 en remplacement des rois cloches enlevées par les Allemands le 23 mai 1916 (elles pesaient 1745 kg et avaient été offertes en 1866 par un particulier en même temps que l’horloge)

 

A nos lecteurs…

 

Voilà notre visite terminée…

Ces quelques notes, forcément incomplètes n’avaient qu’une prétention : vous intéresser en vous faisant mieux connaître l’histoire de votre église…Et peut-être vous inciter aussi à vous intéresser- et à participer – aux recherches actuellement entreprises pour restaurer l’histoire de votre village tout au long des siècles…

Mais, de ceci, nous reparlerons…

 

Marcel MAURIÈRES


 


Quelques mots supplémentaires sur l’ancien presbytère (que je ne me souviens pas avoir alors tenté de situer) et qui « motiva » l’émeute de 1797, à la suite de sa vente comme « bien national ».

Un édit de 1695 faisait obligation aux paroissiens de fournir aux curés un logement convenable, c’est à dire : deux chambres à feu, un cabinet, une cuisine, un grenier, une cave, un cellier et même une écurie s’il y avait des écarts dans la paroisse (ce qui pouvait être le cas à Lerzy, puisque le prêtre de cette paroisse desservait également celle de Froidestrées).

Le presbytère de Lerzy datait-il de cette période ? Je n’ai pu en avoir confirmation.

Figuraient toutefois aux Archives Départementales deux actes intéressants :

Ø      En 1769 (acte du «30 avril)

Une évaluation des réparations à effectuer au « presbitaire » ; il n’est pas précisé de quelles réparations il s’agit ; nous y apprenons que les travaux ont fait l’objet d’une adjudication et ont été confiés à M Jean Cottenet (demeurant à Guise) pour un montant de 943 livres (auquel s’ajoutaient 96 livres de frais divers. Le coût de ces réparations était totalement  à la charge des paroissiens. (dossier C 178)

Ø      En 1787 (acte du 28 juillet)

Il s’agit d’un nouvel état mais concernant cette fin de reconstruction du « presbitère » . Qu’en penser ? Les réparations de 1769 étaient-elles insuffisantes ? Le presbytère avait-il été dégradé à la suite d’intempéries ? Détruit ? Quoiqu’il en soit les travaux sont évalués à 18 501 livres (payables en trois fois par les paroissiens) et leur réalisation confiée par adjudication le 13 mai 1785 à François Proisy, cabaretier à Lerzy. (dossier C 366)


 

Quelques notes…éparses

Il s’agit ici de notes, toutes fragmentaires, prises au cours de mes lectures. Elles ne trouvent pas leur place dans les articles qui précèdent, et font partie des domaines que je me proposais d’étudier « plus tard »… ce que je n’ai jamais pu réaliser.

Je vous les livre telles quelles, avec toutefois quelques brefs commentaires précisant les directions de recherche que je comptais emprunter.

Maires de Lerzy

A partir de la Révolution, leur liste est très facile à établir ; il s’agit de se reporter aux registres d’Etat Civil (qui étaient sous leur responsabilité) et, s’il existe, au registre des délibérations du Conseil Municipal : ce dernier fournira en outre la composition des divers Conseils Municipaux ayant eu en charge les affaires municipales et les principales de ces dernières.

Avant la Révolution, le problème est plus délicat. On trouvera peut-être quelques indications dans les registres paroissiaux (actes dans lesquels le Maire est cité) et surtout dans lees actes divers. Après avoir rappellé que, à cette époque, les Maires dépendaient de l’Abbaye d’Origny Sainte Benoite, voici quelques noms :

Ø      Génart Pierre

« maître masson » (participe le 20.04.1739 à l’acte nommant le prêtre L.J Lambert).

Ø       Dupont Jean

assiste le 14.06.1739 à la « prise de possession » de la cure par L. J Lambert

Ø      Genart Pierre-Joseph

cité en 1775 dans un acte concernant la vérification des mesures à Vervins (voir chapitre concernant la gabelle).

Ø      Destame Joseph 

cité en 1789 dans un procès-verbal relatif à la gabelle.

Les prêtres

Pour eux, la difficulté est inverse. Jusqu’à la Révolution, la consultation des registres paroissiaux (dont ils avaient la responsabilité et dont ils devaient rédiger et signer les actes) devrait permettre d’établir assez facilement leur liste. Après la Révolution, le recours aux Archives de l’Evêché devrait s’avérer nécessaire.

Signalons par ailleurs que, avant la Révolution, notre paroisse dépendait du doyenné d’Aubenton et que son titulaire desservait non seulement Lerzy (église Sainte-Benoîte), mais également Froidestrées (église Saint Michel). En 1728, le revenu de la cure était estimé à 468,10 livres (dont 300 payées par l’abbaye d’Origny Sainte Benoîte) d’après le dossier c. 399.

Ø      En 1713

le 5 janvier, un acte relate la prise de possession du « prieuré » de Lerzy par Michel Decq (Archives Départementales E.384)

Ø      ,En 1739

Louis-Joseph Lambert succède à Charles Gillet, décédé. Ce dernier exerçait déjà en 1728 (dossier G.399)

Ø      ,

Ø      Avant la Révolution

les fonctions de curé étaient assurées par Ravaux qui se distingua en 1797 dans l’émeute fomentée contre Joseph Dupont (qui venait d’acquérir le presbytère).

 

Ecole et instituteurs

Il peut paraître curieux, voire paradoxal, qu’un instituteur n’ait procédé à aucune recherche dans ce domaine : cela tient aux mêmes raisons que celles précédemment énoncées (« Je le ferai… plus tard »)

 


 

J’ai toutefois, après le recensement de 1962, consacré un article (paru dans « Le Démocrate de l’Aisne » du 13.05.1962) aux progrès de l’instruction à Lerzy.

En voici le texte :

LES PROGRES DE L’INSTRUCTION


 


 

Nous proposant de parler un jour de notre école, de ses maîtres et de leur conditions de vie, nous avons voulu aujourd’hui consacrer ces quelques mots à essayer d’esquisser quels gigantesques progrès a accompli, en moins de deux siècles l’instruction des habitants de notre village.

Nous avons pu retrouver dans les archives locales quelques renseignements concernant un recensement effectué en 1806. Prenez-en connaissance :

 

q        Population               708 habitants

q       Sachant lire et écrire       188

q       Ne sachant pas               520

 

A cette date donc à peine 25 % (1 habitant sur 4 environ) de la population savaient lire et écrire

Soixante ans plus tard des progrès ont été enregistrés (notamment depuis la loi Guizot). Mais combien insuffisants encore ; jugez-en :

 

q        Population               607habitants

q       Sachant lire et écrire       399

q       Sachant lire seulement    36

q       Ne sachant pas               172

 

A cette date 65 % de la population savait lire et écrire.


 

La proportion était plus forte en 1872 (74 % de la population) mais on comptait encore cette année 18 jeunes de  6 à 20 ans et 90 personnes de plus de 20 ans qui ne savaient ni lire ni écrire.

L’œuvre scolaire de la IIIe République, à laquelle J Ferry à attaché son nom va enfin permettre à tous les enfants de pouvoir bénéficier des bienfaits de l’instruction. Les résultats sont magnifiques…

En 1962 sur 305 habitants 87 % environ (soit plus de 99 % des habitants de plus de 10 ans) savent lire et écrire et les illettrés de plus de dix ans ont presque totalement disparu (ceux qui subsistent peuvent se compter sur les doigts d’une seule main).

Mieux encore ces progrès apparaissent plus importants si l’on se réfère au niveau d’instruction.

Prenons par exemple :

sur 216 personnes de plus de 14 ans

 

q        86 possèdent le Certificat d’étude

q        8 le brevet élémentaire

q        3 le baccalauréat

 

et beaucoup d’autres ont atteint (ou dépassé) de tels niveaux sans que des diplômes viennent sanctionner leurs études.


 

Mais tout de même 40 % des plus de quatorze ans possédant le CEP n’est-ce pas magnifique, surtout si l’on compare cette situation à celle existant il y a 100 ans ?

Ajoutons enfin que, outre les 56 élèves actuellement inscrits dans notre école (auxquels s’ajoutent 6 enfants venus d’autres communes), 14 jeunes de Lerzy poursuivent actuellement leurs études secondaires (ils seront 18 l’année prochaine !)

Près d’un quart de notre population se trouve donc actuellement dans un établissement scolaire.

N’est ce pas là le meilleur garant de notre avenir ?

 

Marcel MAURIÈRES

 


 



 

La structure foncière

Seule note la concernant : un article paru dans « Le Démocrate de l’Aisne » 20.05.1962.

En étudiant les résultats du recensement

 

 

A propos des exploitations agricoles

 

A l’heure actuelle 62 exploitations agricoles ont leur siège dans notre commune.

Voici la répartition compte tenu de leur superficie.

 

q       De  1  à 5 ha                             11 exploitations

q       De  5  à 10 ha                           11

q       De 10 à 15 ha                          16

q       De 15 à 20 ha                          13

q       De 20 à 50 ha                          10

q       Plus de 50 ha                           1

 

Une seule constatation pour aujourd’hui : Malgré la concentration qui s’est opérée depuis un siècle environ, (et sur laquelle nous reviendrons), les petites et moyennes exploitations sont encore les plus nombreuses dans notre commune.

 

q       Plus de 80 % des exploitations n’atteignent pas 20 ha

q       Plus de 60 % n’atteignent pas 15 ha

q       Plus de 25 % ne comptent même pas 10 ha

 

Il s’agit évidemment comme dans presque toute la Thiérache d’exploitations familiales n’utilisant pratiquement pas de main d’œuvre salariée.


 

 

A propos de la période « contemporaine » (de 1800 à nos jours)

Mon « dossier » est vierge. Mais les recherches devraient être relativement faciles (étude du registre des délibérations de Conseil Municipal, lecture de la presse, souvenirs des anciens…)

Au fil de l’eau…

Relevé en survolant les registres paroissiaux : le 15 novembre 1755, une fillette de 5 à 6 ans a été trouvée noyée dans la rivière… Personne ne l’a réclamée.